[Chronique Littéraire] Les Six Cauchemars, Patrick Moran

   Aujourd’hui, nous replongeons dans l’univers de dark fantasy de la Crécerelle, avec Les Six Cauchemars, de Patrick Moran (Editions Mnémos).

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FICHE TECHNIQUE

  • Titre : Les Six Cauchemarsc1-les-six-cauchemars-731x1024-1
  • Auteur/Autrice : Patrick Moran
  • Illustrateur/Illustratrice : Qistina Khalidah
  • Édition : Mnémos
  • Collection : /
  • Genre : Dark Fantasy
  • Public : Adulte
  • Cycle : Suite de La Crécerelle, indépendante
  • Pages : 240
  • Parution : Janvier 2020
  • Langue : Français
  • Format : Numérique – Broché
  • Prix :  9,99 euros – 18 euros
  • ISBN : 978-2-35408-742-4
  • Lien : Editions Mnémos : Les Six Cauchemars

Résumé : Six petits oiseaux tout beaux et tout fiers

La Crécerelle est l’assassin la plus redoutée de son temps. Mais lorsque Mémoire – son ancienne amie et membre du Conseil des cités-États – la retrouve à la croisée des pistes du désert de Yobanda dans une auberge de caravaniers, la tueuse n’est plus que l’ombre d’elle-même. Mémoire lui propose de tuer cinq mages thaumaturges qui représentent une menace pour la sécurité et la cohésion des cités-États. En acceptant, la Crécerelle va replonger dans son passé, et éveiller des fantômes dont elle aurait préféré ne pas se souvenir. Mais Mémoire joue-t-elle vraiment franc-jeu ? Car après tout, la Crécerelle est elle aussi une thaumaturge et, de fait, une menace potentielle pour les cités-États. Qui, dans ce cas, est à sa poursuite ?

Cinq petits oiseaux tout beaux et tout fiers…

Patrick Moran est né à Londres en 1981 et a grandi entre la Grande-Bretagne, Hong Kong, la Californie et la France. Universitaire et spécialiste de littérature médiévale, ses recherches portent sur l’imaginaire arthurien, les univers de fiction et l’écriture cyclique. Dans Les Six Cauchemars, il reprend son personnage marquant de la Crécerelle et nous offre un nouveau chapitre de ses aventures dans l’univers sombre et baroque qui a fait le succès du premier opus.

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MON AVIS

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Lu dans le cadre du 8e Challenge Littérature de l’Imaginaire.

Service Presse : Je remercie les Editions Mnémos ainsi qu’Estelle Hamelin pour cette jolie proposition. 🙂

Pour un aperçu de ma chronique sur La Crécerelle, du même auteur, c’est par >ici<.

 

Couverture et Accroche

   J’ai de moins en moins souvent l’occasion de tenir un livre broché entre mes mains, la liseuse ayant l’avantage de pouvoir emporter partout des centaines d’histoires avec un moindre encombrement (contrairement à certains blogueurs, je ne décide jamais à l’avance de ce que je vais lire). Mais je dois dire que je suis contente d’avoir celui-ci en papier, car j’aime beaucoup le travail d’illustration de Qistina Khalidah. J’appréciais déjà les symboliques de la couverture de La Crécerelle, premier tome de la protagoniste éponyme, même si je craignais personnellement que le trait puisse porter à confusion concernant le public ciblé. Ici, aucun doute, les teintes sont plus sombres, la position de l’héroïne et la présence de membres noirs dans son dos soulignent davantage le côté cauchemardesque du récit, d’ailleurs présent dans le titre. Un couverture qui donne le ton et qui donne envie de se plonger dans le récit. 

   Le résumé commence par une comptine qui viendra ponctuer le récit tout du long, une phrase évocatrice, qui rappellera une certaine histoire d’Agatha Christie à plus d’un lecteur. Ainsi, il est question d’un décompte, d’une chasse à l’homme, ou plutôt au thaumaturge dont les pouvoirs magiques effraient la population du Nord. Une bonne accroche qui promet une certaine action. Mais le résumé ne s’arrête pas là, puisqu’il promet de se plonger dans le passé de la Crécerelle, de faire resurgir d’encombrants fantômes qui risque bien de la happer (ça y est, vous voyez la symbolique de la couverture ? 😉 ). Une promesse alléchante pour les lecteurs du précédent tome, en « deuil » d’une certaine entité responsable de la complexité de la protagoniste. Et pour ceux qui ne seraient pas encore convaincue, on vous suggère une possible histoire de tromperie et de jeu politique qui pourrait bien corser la traque magique. Alors, tentés ?

   Pour ceux qui se posent la question, il me semble tout à fait possible de lire ce tome indépendamment du premier, l’auteur rappelant rapidement dans son prologue (qui a d’ailleurs une narration différente du reste du récit) les principes essentiels à la compréhension de son univers. Toutefois, La Crécerelle apportait de nombreuses précisions et des informations importantes sur la fameuse entité, ici très secondaire, mais qui reste néanmoins centrale dans la vie de la protagoniste. En résumé, les deux ouvrages peuvent se lire seuls, mais c’est toujours mieux de connaître la totalité des aventures de la Crécerelle.

 

Prose et Structure

   Pour ceux qui auraient lu La Crécerelle, nous retrouvons une narration à la troisième personne et au présent dans la plupart des chapitres, un choix qui se justifie d’ailleurs au regard de la structure du récit dont je vous parlerai plus tard. Toutefois, dans ce second récit, le style m’a semblé moins descriptif, moins métaphysique dans son approche de la magie. Comme s’il était question de rendre l’histoire plus accessible, de toucher un plus large public. Il en résulte une atmosphère moins monstrueuse, moins cauchemardesque dans son sens le plus inhumain. Ici, il est davantage question de la noirceur de l’humain, aussi versé dans les arts thaumaturgiques soit-il. Une noirceur peut-être un peu moins démonstrative mais tout aussi dérangeante, une forme de maturité dans l’appréhension de l’horreur peut-être, un peu comme dans certains films où on s’aperçoit que l’efficacité ne vient pas toujours de la surenchère visuelle. Un point que je considère comme positif, puisque correspondant à l’évolution de la protagoniste et de l’intrigue, même si certains pourront regretter les singularités stylistiques du premier ouvrage de Patrick Moran.

   La Crécerelle avait d’admirable et de déroutant sa construction en spires, définis par des tirages de cartes et des extraits de chroniques ou de contes. Ici, on retrouve un principe similaire, bien que plus explicite concernant son utilité dans l’histoire. En effet, les chapitres débutent par des notes adressées à la Crécerelle et en lien direct avec sa traque. Une façon ludique et dynamique de présenter les intérêts, les personnages, etc… A cela s’ajoute des chapitres intermédiaires au nom plein de sens de « Reliquat ». Contés au passé, ils évoquent une histoire à rebours qui complète parfaitement celle actuelle de la Crécerelle. Un structure de récit non linéaire et plutôt efficace qui restera accessible à la majorité des lecteurs.

   Petite précision qui ne fera peut-être sourire que moi-même : j’ai apprécié la toute première phrase de ce récit, avant même le prologue. « Au sujet de la Crécerelle, les avis divergent. » Je ne sais pas si c’est volontaire ou seulement conscient, mais elle semble s’adresser aux lecteurs réels du livre La Crécerelle, autant que ceux imaginaires des chroniques sur le personnage même. Un petit clin d’œil concernant l’accueil du précédent ouvrage par le public ? Personnellement, je trouverais cela amusant. ^^

 

Personnages et Narrateurs

   Le temps a passé depuis les précédentes mésaventures de la Crécerelle, et cela se ressent dans sa personnalité. Pour qui a encore bien en mémoire l’assassin des débuts, cette Crécerelle bavarde, désabusée et un poil alcoolique pourra surprendre. Pourtant, son évolution fait sens et même si on pouvait attendre d’elle quelque chose de plus glorieux, elle s’empare d’une humanité qui la rend plus sympathique, notamment par l’expression d’émotions et de regrets. Ses capacités magiques aussi, de moindre puissance, se voient utilisées avec plus de parcimonie, comme chaque invocation lui coûte désormais un certain effort. Elle semble souffrir davantage physiquement, mentalement, pas tout à fait de la même façon qu’auparavant. Plus proche des autres humains, c’est ce qui la rendra aussi très certainement plus accessible aux nouveaux lecteurs, en particulier lorsqu’on la compare aux autres thaumaturges.

   Je ne m’étalerai pas sur ses proies, si vous voulez connaître leurs spécificités et leur histoire, il vous faudra vous lancer dans la lecture des Six Cauchemars. 😉 Je note toutefois qu’en si peu de pages (seulement 240), on peut parfois avoir l’impression d’en survoler quelques-uns. Je pense notamment à Altavair qui a le droit à une scène qui aurait pu être plus touchante si on avait pris le temps de le connaître (même si je reconnais qu’il y a une certaine ironie dans cette situation).

   Parmi les personnages secondaires, nous retrouvons Mémoire, compagne de route de la Crécerelle dans ses précédentes aventures et qui a, depuis, bien évolué elle aussi. Devenue membre du Conseil des cités-Etats, elle est celle qui sort son ancienne amie de son taudis, dans une volonté manifeste d’user de ses capacités de tueuse tout autant que de lui épargner le pire. Même si les doutes planent sur ses réelles intentions, elle est finalement assez peu présente pour apporter un véritable sentiment de tension, en comparaison des dangers immédiats auxquels la Crécerelle se confronte. Heureusement, d’autres personnages rôdent autour de notre thaumaturge et rappellent insidieusement les enjeux politiques.

 

Univers et Atmosphère

   Si l’univers sombre et baroque est toujours le même que celui de La Crécerelle, son appréhension par le lecteur s’est quelque peu simplifiée, notamment dans son aspect thaumaturgique. Dans Les Six Cauchemars, on évoque finalement assez peu l’outre-monde au sein duquel se trouve la Perle, le monde de la Crécerelle. On se concentre  davantage sur l’aspect plus rationnel de la géographie, en rappelant que si notre thaumaturge assassin vient du Sud, sorte de système féodal dominé par la magie, elle fréquente désormais assidûment le Nord, ses déserts et ses cités-Etats. D’une pâleur maladive au milieu d’une population au teint plus foncé, la Crécerelle se fait ainsi facilement remarquer, même quand elle n’use pas de ses capacités magiques. De même, il existe une différence de culture qui peut se percevoir dans le ressentiment latent entre les Méridionaux et les Septentrionaux, tous estimant avoir une meilleure façon de gérer leur société. C’est le cas notamment pour le mariage où ceux du Sud n’acceptent qu’une union entre un homme et une femme, alors que ceux du Nord entretiennent des assemblages matrimoniaux de plusieurs personnes. Ainsi, l’univers se compose de bien des subtilités culturelles que vous êtes invités à découvrir.

   De même, les règles qui régissent les arts magiques sont succinctement évoquées pour se limiter au plus évocateur et au plus spectaculaire. Les thaumaturges peuvent utiliser l’espace latéral, celui des probabilités que l’on peut sélectionner pour accroître par exemple ses chances à un jeté de dés. Cette magie est toutefois rapidement écartée de l’histoire par la Crécerelle elle-même, et pour peu que vous ayez lu le précédent ouvrage, vous en comprendrez facilement la raison. Toutefois, les thaumaturges peuvent aussi utiliser l’espace intérieur pour créer des invocations aussi diverses qu’améliorer ses sens, modifier une matière ou encore exploser les membres de quelques ennemis (oui, on garde un peu de macabre quand même ^^). Cette magie n’est pas sans conséquence puisqu’elle implique un usage de la force vitale du thaumaturge, exprimée par une suppuration plus ou moins importante de sang. Une contrainte qui limite rapidement la Crécerelle dans le choix de ses invocations, tout autant que celui de ses proies. Il en résulte dès lors la nécessité d’établir quelques stratégies, en particulier lorsqu’on se bat à armes égales.

 

Intrigues et Thématiques

   Cela fait cinq ans que leurs chemins se sont séparés lorsque Mémoire décide de retrouver la Crécerelle. Autrefois connue comme l’assassin le plus redouté du Nord, celle-ci n’est plus que l’ombre d’elle-même et tente d’oublier son passé dans la boisson. Pourtant, la mission que son ancienne amie veut lui confier, traquer et tuer cinq dangereux thaumaturges, risque bien de réveiller de vieux démons tout autant que de semer le trouble dans les cités-Etats.

   L’intrigue des Six Cauchemars est probablement moins surprenante que celle de La Crécerelle, mais elle reste prenante en s’axant notamment sur une situation propice au suspense et à la tension : la traque de thaumaturges qui prétendent aux mêmes capacités et compétences que la protagoniste. Ainsi, il n’est plus vraiment question des fulgurances macabres qui assuraient autrefois à la Crécerelle une certaine supériorité sur ses adversaires, mais bien un équilibre des forces magiques et physiques qui tend à rappeler que la jeune femme, toute assassin qu’elle est, possède aussi ses faiblesses et n’est pas à l’abri d’un mauvais coup. Les conflits magiques sont d’ailleurs plutôt impressionnants, même si dans certains cas, il peut être difficile de comprendre la corrélation entre la puissance d’une invocation et l’effort physique qu’elle nécessite. Le questionnement à ce propos sera peut-être moins important pour les nouveaux lecteurs, comme les bases de la thaumaturgie sont moins expliquées dans ce second ouvrage, tout dépendra surtout de l’importance que vous accordez à la bonne compréhension d’un phénomène. Dans tous les cas, les différentes confrontations restent variées grâce à la personnalité des petits oiseaux tout beaux et tout fiers, autant qu’aux circonstances qui précipitent la Crécerelle à leur rencontre. De quoi renouveler l’intérêt de tous les lecteurs au fil des pages.

   Les affrontements magiques ne font pas à eux seuls tout le sel de ce récit, puisqu’on retrouve aussi une démarche psychologique, fondamentale pour l’héroïne. Si dans La Crécerelle, il était plutôt question du présent, et de l’impact des choix sur un possible futur, ici on s’attarde davantage sur le passé, de l’importance de celui-ci dans l’évolution de chaque individu. Les Reliquats, ces chapitres intermédiaires contés à rebours, sont d’ailleurs importants pour comprendre les enjeux de la trame principale. Pas seulement dans la traque des thaumaturges, puisqu’ils permettent de mieux appréhender leurs personnalités, leurs envies, leurs cheminements parallèles à celui de la protagoniste. Mais aussi pour la redécouverte de son humanité, ce questionnement fragile sur ce qu’elle a été, ce qui l’a motivé, ce qui la différenciait des autres, ce qu’elle est en mesure aujourd’hui de regretter. C’est un cheminement intérieur très intéressant, qui induit d’ailleurs une prise de décision durant l’épilogue qui pourrait bien annoncer de nouvelles aventures. Or si c’est le cas, je suis prête à embarquer avec la Crécerelle. 🙂

 

Conclusion

   Les Six Cauchemars est un récit de dark fantasy certainement plus accessible que le précédent ouvrage sur la Crécerelle. Moins métaphysique dans son propos, moins démonstratif dans son horreur, il fait preuve d’une efficacité qui peut s’apparenter à une forme de maturité dans ce que l’auteur peut avoir à conter sur la noirceur de l’humanité. L’action n’est pas en reste, puisque les duels thaumaturgiques s’enchaînent avec une grande diversité qui devrait plaire à tous les amoureux de conflits magiques. Quoi qu’il en soit, Les Six Cauchemars est un livre qui se lit vite et que je conseille aussi bien aux nouveaux lecteurs qui apprécient les univers sombres et les protagonistes tout en nuances, qu’à ceux qui ont aimé La Crécerelle, mais aussi à ceux qui auraient été déçus par certains aspects du premier ouvrage de Patrick Moran. Et oui, sait-on jamais, vous pourriez bien cette fois être conquis. 😉

 

Et vous, tentez par les mésaventures sanglantes de la Crécerelle ? 🙂

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