[Chronique Littéraire] Noosphère, Audrey Pleynet

  Et si je vous parlais d’un univers où tout le monde serait subitement connecté à la somme de toutes les connaissances humaines ? C’est ce que je vous propose avec un récit de science-fiction, Noosphère, d’Audrey Pleynet (Autoédition).

Séparateur 4

 

FICHE TECHNIQUE

  • Titre : Noosphère51gdxm4wgul._sx331_bo1204203200_
  • Auteur/Autrice : Audrey Pleynet
  • Illustrateur/Illustratrice : ?
  • Édition : Autoédition
  • Collection : /
  • Genre : Science-Fiction, Anticipation
  • Public : Tout Public
  • Cycle : One-Shot
  • Pages : 372
  • Parution : 11 août 2017
  • Langue : Français
  • Format : Numérique – Broché
  • Prix :  2,99 euros – 14,99 euros
  • ISBN : 978-1521884416
  • Lien : Audrey Pleynet

Résumé : Et s’il suffisait de formuler une question dans son esprit pour en connaître immédiatement la réponse ? Acquise par l’humanité du jour au lendemain, cette nouvelle faculté, qu’on appelle rapidement Noosphère, bouleverse les sociétés : essor technologique époustouflant, avancées médicales révolutionnaires, effondrement de certains gouvernements corrompus, fin des élites intellectuelles, bouleversement des valeurs… Au sein du laboratoire du gouvernement français, Inès Amnel tente de percer le mystère de la Noosphère. Malheureusement s’attaquer à ce phénomène si absolu a des conséquences désastreuses pour le futur de l’humanité. Mais des années plus tard, une anomalie apparaît qui peut tout remettre en cause. Inès se jure alors de protéger la Noosphère, coûte que coûte.

Séparateur 4

 

MON AVIS

Bulle d'Eleyna Logo 2

Lu dans le cadre du Challenge Littérature de l’Imaginaire.

 

Couverture et Accroche

    Je trouve la couverture intéressante, il y a un aspect très organique et poétique à la noosphère. Cela rejoint d’ailleurs la vision d’un certain personnage arrivant tardivement dans le récit, plus sensorielle que ce qu’en perçoit le reste de l’humanité, restée à un niveau très conceptuel et impalpable. Le fait que cela soit rattaché à un profil féminin rappelle aussi l’appréhension particulière du phénomène par la protagoniste principale. Pour le choix des couleurs, j’y vois une certaine symbolique, le violet étant notamment rattaché à l’esprit ou les rêves, le bleu étant un couleur assez dominante en SF.

   J’ai trouvé le résumé accrocheur et c’est ce qui m’a convaincu de lire ce roman. Après lecture, je ne sais plus vraiment quoi en penser et je m’interroge un peu sur la différence entre le contenu et les attentes du lectorat, tout en reconnaissant que c’était plutôt compliqué d’écrire un résumé qui pourrait convenir à toutes les sensibilités. En effet, il faut savoir que ce que présente le résumé ne concerne que le premier tiers du roman. Jusque là, tout va bien, mais si toute cette première partie tourne effectivement autour de l’étude de la noosphère, et donc un récit plutôt lent et axé sur une approche technique, on se retrouve au bout d’un tiers de notre lecture plongés dans un genre totalement différent, se rapprochant davantage du thriller à l’américaine. Bref, on a une sorte de rupture de genre dans l’intrigue qui peut ne pas convenir à tout le monde, en particulier aux fans de SF qui s’attendent à une approche très scientifique du principe de la noosphère.

 

Prose et Structure

   La plume de l’autrice est simple et moderne, pour une lecture facile qui conviendra à un large public. A titre personnel et de par mon parcours scientifique, je regrette un peu que les plongées de la noosphère ressemble davantage à des lectures de pages wikipédia, c’est à dire un savoir vulgarisé et assez peu technique. Ce n’est pas un mal en soi, au contraire, la vulgarisation est un élément essentiel de la transmission du savoir, mais c’est pour moi un peu à contre-emploi de ce que semble suggérer l’usage de la noosphère par l’humanité, à savoir que du jour au lendemain, tout le monde est devenu expert en tout. Bref, je comprends la nécessité de l’autrice de rester compréhensible pour son public, mais je trouvais que ça manquait quand même de démonstrations dans ce que pouvait vraiment apporter la Noosphère en terme de vocabulaire technique et spécifique.

   Concernant la structure du récit, on se retrouve avec un intrigue au découpage assez surprenant, comme j’ai déjà pu le suggérer. La première partie est focalisée sur la compréhension du phénomène de la noosphère avec une démarche scientifique (et vulgarisée), qui aurait pu à elle seule faire le fondement de l’intrigue. Mais le changement d’orientation de genre la désigne finalement comme une longue introduction de ce nouvel univers dans lequel les hommes doivent évoluer, afin de préparer le lecteur à ce qui fait le gros du livre, une intrigue plus orientée sur le thriller avec course poursuite et sauvegarde du monde connu. A voir si ce changement de ton peut vous convenir, mais au moins, vous serez prévenus. 😉

 

Personnages et Narrateurs

   Inès Amnel est une jeune scientifique qui intègre le laboratoire d’étude de la Noosphère suite à la connexion de l’humanité à tous les savoirs. Habitée par la rage dévorante de comprendre ce phénomène, elle se montre à la fois têtue et un peu aveugle sur les pratiques de son équipe pour parvenir à leur fin. Elle change peu à peu de mentalité, devient plus indépendante, plus suspicieuse, apprend notamment des techniques de combats et de camouflage, ce qui en fait un personnage plus actif et en mesure de défendre des personnes coupables d’être différentes du reste de l’humanité (et donc de potentiels cobayes). Une personnage à la fois intellectuel et physique qui devrait plaire à beaucoup de lecteurs.

   Inès n’est pas la seule protagoniste puisque d’autres membres de son équipe peuvent être narrateur, notamment Hervé, son chef qui est prêt à tout pour retrouver sa gloire passée. En effet, l’accès à la Noosphère par n’importe qui fait qu’il n’y a plus aucun prestige à faire une découverte, détruisant totalement les carrières des chercheurs qui ont passé leur vie à résoudre des problématiques. Un personnage qui tend vers le fanatisme, même si ses intérêts égoïstes restent compréhensibles.

   Dans l’équipe, nous retrouvons aussi Carole, la supérieure d’Inès à la fois très sérieuse dans sa démarche scientifique et sa volonté à appliquer les protocoles, et en même temps perturbée par ce que ces derniers deviennent au fur et à mesure de leurs études. Francis, le physicien de l’équipe, démontre quand à lui rapidement ses divergences d’opinion sur le sujet, l’inscrivant dans une démarche plus humaine de la quête de savoir. 

    D’autres personnages sont présents dans le récit, notamment un philosophe qui se plait à comprendre la Noosphère d’un point de vue plus métaphysique, le personnel militaire qui n’a bien entendu qu’une envie, trouver un avantage stratégique au phénomène, ou encore un certain personnage arrivant en cours de route et qui devient central au récit, mais que je vous le laisse découvrir par vous-mêmes. Dans l’ensemble, tous sont plutôt intéressants à suivre, même s’ils dérivent inévitablement au fil des pages vers les extrêmes de leur personnalité (ce qui pourra vous apparaître comme une forme de caricature).

 

Univers et Atmosphère

   En 2021, un phénomène qui touche la planète entière plonge l’humanité dans une source de savoir intangible et immédiate appelée Noosphère. C’est un phénomène assez difficile à traduire, et c’est d’ailleurs l’un des grands questionnements du livre. Toujours est-il que désormais, n’importe qui peut savoir n’importe quoi, pour peu qu’il se pose la question. Il en résulte une évolution instantanée de la civilisation, notamment géopolitique. Car désormais, les énarques ne sont plus les seuls à détenir la connaissance et ne peuvent plus contrôler les foules qui entre en révolution aux quatre coins du monde. Ainsi, les révoltes les plus violentes se passent en Afrique ou en Amérique du Sud, les femmes prennent le pouvoir dans les pays arabes, les USA et la Chine régressent parce qu’ils manquent de créativité chacun à leur façon, et la France s’en sort à peine ébranlée parce qu’héritière du siècle des Lumières (en gros, nous avons une culture intellectuelle supérieure). Comme vous vous en doutez, au regard de ce qui se passe actuellement, je doute que l’accès au savoir universel apaise les mouvements populaires en France, car pour moi, le savoir ne constitue pas à lui seul l’individu et donc l’humanité. Mais j’imagine qu’il s’agit là d’un témoignage d’amour de l’autrice pour cet accès relativement facile à la culture et cet esprit critique typique de notre beau pays.

   En réalité, mon problème avec l’appréhension de la Noosphère, c’est qu’il s’agit d’un sujet si complexe que j’ai eu du mal à en comprendre le fonctionnement. Car la Noosphère n’est pas une façon de devenir omnipotent, et son accès présente pour moi un désavantage qui rend peu probable la soudaine multi-compétence de l’humanité. Ce problème, c’est le saut sélectif instantané qui empêche l’individu d’acquérir l’ensemble des données. Pour vous imager la chose, c’est comme si vous alliez sur internet, et qu’au premier lien d’un article, vous cliquiez dessus, rejoignant un nouvel article, et donc un nouveau sujet, sans jamais avoir fini de lire la première page, et donc d’acquérir les connaissances sur ce sujet. J’ai ainsi eu des difficultés à m’imaginer le concept de la Noosphère comme une source de savoir instruisant des individus soudainement compétents. Et donc comment l’humanité pouvait rapidement évoluée sur des questions scientifiques complexes simplement parce que des gens pouvaient librement sauter d’un savoir à un autre. Pour moi, il y a une différence entre acquérir un savoir (momentané qui plus est), et comprendre ce savoir. De plus, il faut une démarche intellectuelle spécifique pour appréhender les problématiques et créer de nouvelles connaissances, et cela ne s’apprend pas à la simple « lecture » de données. Même si l’autrice le suggère, je ne trouve pas qu’elle l’applique de façon visible, préférant en faire la démonstration dans des aspects physiques (en gros, ce n’est pas parce que tu accède aux connaissances sur le taekwondo que ton corps sait exécuter les gestes correctement). Bref, il manque pour moi la notion d’éducation et d’apprentissage de l’esprit critique pour utiliser correctement un savoir.

   L’autre problématique sur laquelle le livre s’interroge, c’est la définition même de la connaissance. Car si on dit finalement qu’il s’agit d’une vérité jugée importante pour l’ensemble de l’humanité, pourquoi peut-on suivre en temps réel une personne grâce à la Noosphère ? En quoi ce « savoir » est-il important pour l’humanité ? Au contraire, on suggère parfois qu’il suffit que ce soit important pour la personne qui émet l’information pour qu’elle atteigne la Noosphère. Alors pourquoi une date de naissance, forcément importante pour l’individu concerné, ne s’y trouve-t-elle pas sauf si tout le monde souhaite la connaître ? Puis il y a aussi la notion de vérité, qui dépend de la certitude de l’individu. S’il n’est pas certain de son savoir, il ne peut pas le transmettre à la Noosphère, chose bien pratique pour justifier que certaines informations n’atteignent pas le savoir universel. Et en même temps, certains savoirs dépendent de témoins incertains, au sens où ils ne perçoivent pas l’importance de ce qu’ils ont sous les yeux (donc ils ne peuvent pas valider consciemment la véridicité de ce savoir). Bref, je me suis un peu perdue dans ce qu’on considérait comme du savoir (qui s’approche davantage d’une information dans de nombreux cas), l’intrigue jouant un peu trop avec le flou du sujet pour en faire plus souvent un ressort scénaristique qu’un concept purement métaphysique.

   Après, je ne suis pas certaine que le livre ait vocation à donner des réponses techniques sur le sujet ou à émettre des hypothèses limpides pour définir le principe de la Noosphère, qui reste une thématique philosophique, et donc une vue de l’esprit. Le but est bien de faire réfléchir sur la question, de s’interroger sur le sens du savoir, de la vérité, de l’esprit humain, de ce que nous considérons comme important ou non, universel ou non. Bref, si on se pose hors d’un cadre scientifique et plus philosophique, on peut voir dans l’univers exposé quantité de choses qui méritent qu’on s’y attarde.

 

Intrigues et Thématiques

   En 2021, lors d’un accident de voiture, Hélène sauve son fils suite à un soudain accès au savoir universel. Trois jours plus tard, toute l’humanité est connectée à ce que l’on nommera rapidement la Noosphère. Inquiété par le phénomène, le gouvernement français décide de monter une équipe de scientifique pour en comprendre le fonctionnement. Inès, avide de comprendre la Noosphère, s’investit corps et âme dans cette étude aux protocoles de plus en plus poussés, à la limite de l’éthique mondiale. Une quête de savoir qui ce ne sera pas sans conséquence.

   Comme j’ai pu le préciser, la première partie du récit se centre sur la compréhension du phénomène, notamment par une approche scientifique qui donne l’aspect science-fictionnel au récit. Ce ne sera certainement pas assez poussé pour les fans de Hard SF, mais ça donne une certaine idée de la complexité du milieu scientifique et notamment les limites de la technique et de l’éthique. Il y a un jugement assez clair sur le fonctionnement actuel de la science et la quête fanatique d’un savoir maîtrisé avant tout le monde, voire gardé secret, quitte à laisser le monde entier dans l’ignorance et donc dans la décadence. Un point de vue que je comprends, même si je ne peux m’empêcher d’avoir un peu de peine pour ce milieu que je connais et que l’on juge uniquement sur ses excès et ses échecs (un peu comme la police). 

   La grosse partie de l’intrigue s’éloigne toutefois de ce besoin d’explications pour entrer dans une dynamique de thriller, au schéma assez coutumier mais qui rempli bien son rôle. Je regrette un usage un peu maladroit de certains codes du genre, comme une héroïne qui a un peu tendance à surpasser les experts en la matière (je rappelle encore une fois que pour moi, savoir ne signifie pas savoir-faire), notamment en devinant en cinq minutes où se trouve une planque censée tromper tous les gouvernements mondiaux. On retrouve aussi un certain ethnocentrisme typiquement américain (vous savez quand les problèmes mondiaux, genre invasion extraterrestre, se déroulent uniquement aux USA), mais cette fois-ci localisé en France, ce que je trouve un peu dommage. Pour autant, je dois avouer que j’ai bien aimé cette partie, divertissante et qui implique des personnages intéressants à suivre, notamment dans leur évolution personnelle.

 

Conclusion

   Noosphère est un roman d’anticipation qui interroge sur la connaissance et la nature humaine. Si la première partie déploie son univers à travers un questionnement plutôt scientifique sur le phénomène qui touche l’humanité entière, la grosse partie de l’intrigue se développe davantage autour des codes du thriller haletant où la survie d’un individu pourrait bien devenir le salut de tous. Un mélange des genres qui pourra surprendre mais qui n’empêchera pas le lecteur de se questionner sur ce que pourrait apporter un soudain accès au savoir.

 

Et vous, envie de connaître la Noosphère ? 🙂

Séparateur 4

 

UN APERÇU D’AILLEURS SUR

Noosphère ?

blog-2151307__340

N’hésitez pas à faire un tour sur les autres blogs de critiques littéraires pour vous faire un meilleur avis sur le sujet. 😉

Séparateur 4

haut de page

2 réflexions sur “[Chronique Littéraire] Noosphère, Audrey Pleynet

Laisser un commentaire