[Mois Ciné] Mai 2022

  Et si nous rejoignions le multivers de la folie, nous partions dans les violentes terres d’Islande, nous virevoltions dans le ciel…

[Doctor Strange in the Multiverse of Madness – The Northman – Top Gun : Maverick]

Séparateur 4

Alerte : avis totalement subjectifs et fortes probabilités de spoilers. 😉

Doctor Strange in the Multiverse of Madness

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Fantastique (2h10) de Sam Raimi
Avec Benedict Cumberbatch, Chiwetel Ejiofor, Elizabeth Olsen

   Dans ce nouveau film Marvel Studios, l’univers cinématographique Marvel déverrouille et repousse les limites du multivers encore plus loin. Voyagez dans l’inconnu avec Doctor Strange, qui avec l’aide d’anciens et de nouveaux alliés mystiques, traverse les réalités hallucinantes et dangereuses du multivers pour affronter un nouvel adversaire mystérieux.

Mon avis

   Ce nouveau Marvel vaut-il le coup ? En tout cas, il est de meilleure qualité que le dernier Spider-Man encensé par les fans. Pas au niveau du scénario puisque, MCU oblige, le scénariste n’a probablement eu aucune marge de manœuvre pour en faire une proposition pertinente. Non, c’est au niveau de l’esthétique visuelle et narrative du réalisateur Sam Raimi qui, grâce à l’aura de sa trilogie Spider-Man, a acquis une liberté que n’avaient pas les yes-men du MCU. Alors certes, on n’est pas encore rendu a une mise en scène débridée, mais on retrouve de véritables codes du cinéma horrifique, ce qui apporte une ambiance lourde et cauchemardesque, notamment grâce à un antagoniste surpuissant qui poursuit les héros telle une menace inarrêtable et implacable. Une menace si violente que, enfin, on peut craindre pour la vie des personnages. Oui il y a des morts, des tentatives de jump scare et des créatures emblématiques de l’horreur (zombie, démon, âme damnée…). Toutefois, ça reste Disney, il y a donc du sang mais pas de gore, les jump scare sont tellement attendus qu’on sursaute à peine, les créatures bien mises en lumière et donc moins terrifiantes… ça reste un version sage de l’horreur, mais malgré tout, ça rend le film unique au sein du MCU.

  Concernant le scénario… c’est Marvel, on ne s’attend plus à grand chose et ça se sent dans les commentaires des gens. Le plus gros problème, selon moi, c’est l’obligation d’avoir vu la série WandaVision pour comprendre l’enjeu du film. Je ne l’ai pas regardée, je me suis juste renseignée sur son contenu, et j’ai bien vu que si je ne l’avais pas fait, je n’aurais pas pu m’expliquer d’où venait cette histoire d’enfants à retrouver dans une version alternative. Ce constat se couple à un autre : la plupart des gens qui n’ont pas vu la série reconnaissent qu’ils ont ressenti un manque durant Doctor Strange, mais ont aussi trouvé ce manque acceptable simplement parce qu’ils savaient que la série existe. Or, pour moi, ce n’est pas acceptable. Tout comme on dit qu’une adaptation de livre doit se passer du support original, un film du MCU ne devrait pas être dépendant des autres supports. Il n’est pas normal qu’on doive prendre un abonnement à Disney+ pour comprendre les enjeux d’un film. Or, tout comme encenser le seul fan-service participe à réduire la qualité des films, trouver normal de ne rien comprendre à un film parce qu’on sait que le reste de l’histoire se trouve ailleurs participe à l’obligation de s’abonner à une plateforme de streaming (parce que, soyons honnêtes, ils vont de plus en plus forcer à voir les séries pour comprendre les films).

   Ce qui est d’autant plus idiot, qu’à l’inverse, chaque film solo est indépendant du reste. Les Avengers sont toujours aux abonnés absents quand ce n’est pas un film de « rassemblement », à tel point qu’on penserait qu’ils vivent chacun dans un univers parallèle. En parlant de ça, l’usage qui est fait du multivers me semble suffisant (je sais que beaucoup auraient voulu traverser plus de mondes, mais ce n’aurait pas été pertinent pour l’intrigue). En revanche, ça n’a pas du tout corrigé ma crainte du « ta gueule, c’est le multivers ». Je le sentais venir, et ça se confirme : il n’y a pas de règles claires sur son fonctionnement, tout autant qu’il n’y a pas de différenciation entre une réalité alternative (toutes les possibilités résultant du moindre choix au sein d’un univers) et un monde parallèle (un monde qui aurait évolué différemment). Ce qui fait que ça rend ce qui est unique parmi TOUS les univers complètement idiot (ici America Chavez, une jeune fille qui n’a pas de double dans le multivers) puisque pourquoi une seule version de l’antagoniste rechercherait cette chose unique ? De même, à l’inverse, ce qui impacterait TOUS les univers ne peut pas exister : ici, on dit que si l’antagoniste gagne, il régnerait sur tout le multivers, du coup forcément il perd. Mais, en toute logique, il y a bien une version alternative où l’antagoniste gagne… et donc domine le multivers, non ? J’imagine qu’on va me répondre que non, que toutes les réalités alternatives n’existent pas. Ah bah oui, comme de par hasard, c’est bien pratique quand ça foutrait la logique en l’air. Bref, pour moi, les histoires de multivers, c’est vraiment la nouvelle excuse pour faire ce qu’on veut sans se justifier.

  Hélas, tout cela résulte des choix marketing de Disney afin d’exploiter jusqu’à la moelle l’univers des super-héros. Reste que la proposition de Sam Raimi est l’une des plus intéressantes du MCU, et qu’elle est portée par d’excellents acteurs qui donnent un peu de complexité à des personnages parfois trop lisses.

   A voir si vous aimez les films de super-héros à la sauce horrifique.

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The Northman

Action (2h16) de Robert Eggers
Avec Alexander Skarsgård, Nicole Kidman, Anya Taylor-Joy

   Le jeune prince Amleth vient tout juste de devenir un homme quand son père est brutalement assassiné par son oncle qui s’empare alors de la mère du garçon. Amleth fuit son royaume insulaire en barque, en jurant de se venger. Deux décennies plus tard, Amleth est devenu un berserkr, un guerrier viking capable d’entrer dans une fureur bestiale, qui pille et met à feu, avec ses frères berserkir, des villages slaves jusqu’à ce qu’une devineresse lui rappelle son voeu de venger son père, de secourir sa mère et de tuer son oncle. Il embarque alors sur un bateau pour l’Islande et entre, avec l’aide d’Olga, une jeune Slave prise comme esclave, dans la ferme de son oncle, en se faisant lui aussi passer pour un esclave, avec l’intention d’y perpétrer sa vengeance.

Mon avis

   Vous le saviez, vous, que Hamlet de Shakespeare s’inspirait d’une légende viking ? Maintenant, oui. Et sachant cela, vous ne serez guère surpris de voir que le film s’inscrit dans une époque médiévale violente et patriarcale, où la guerre est un art de vivre revendiqué, où la mort doit se trouver sur le champ de bataille et où les femmes ne sont que des butins, quand elles ne se font pas simplement brûlées vives. Bref, c’est un film qui montre toute la violence crue qu’il pouvait exister à l’époque durant la guerre, mais qui le fait avec beaucoup d’esthétique et une véritable envie de narrer une légende par sa seule caméra. Certes il y a des dialogues, parfois très théâtralisés, mais ce sont les mouvements de caméra et le montage très narratif des scènes qui nous racontent cette terrible histoire de vengeance.

   Le film assume le point de vue de son époque, avec des hommes qui trouvent normal d’en tuer d’autres, de violer des femmes ou d’éliminer les enfants qu’ils jugent inutiles. Contrairement à beaucoup d’adaptations de vieux contes et mythes, il ne cherche pas à le moderniser au point de le dénaturer, il ne cherche pas tant à juger qu’à nous montrer pourquoi les hommes agissaient ainsi, ce qui permet au spectateur de prendre du recul par rapport à toute la violence ambiante. Parce que oui, vous en aurez, du sang, des membres coupés, des ventres éviscérés, des boyaux qui pendent et des têtes qui volent. Ce n’est jamais gore, ça se veut plutôt cru et réaliste, et c’est d’autant plus accentué que les corps masculins sont souvent nus. Cela met à la fois en avant l’image virilisée d’un homme qui se doit d’être bien bâti, mais aussi son retour à l’état de bestialité, puisqu’il est notamment question de berserkr, ces guerriers se liant à des esprits animaux par l’intermédiaire de psychotropes. La métaphore de l’homme qui redevient un monstre assoiffé de sang est alors d’autant plus pertinente que c’est à chaque occasion qu’il a de le verser, y compris lors de simples rituels, qu’il se dépouille de tout ce qui représente l’humanité.

   En parlant de folklore, c’est dans la représentation des mythes scandinaves qu’on retrouve les passages les plus poétiques, que ce soit les apparitions divines telles que les valkyries ou les nornes, ou encore la notion de destin avec notamment l’arbre des rois. C’est suffisamment bien fait pour laisser ces apparitions à l’interprétation du spectateur : voulez-vous croire au côté magique de la légende, ou bien s’agit-il simplement des délires du héros habitué à consommer des psychotropes ? Le héros est-il vraiment influencé par le destin, ou bien est-ce lui qui se le façonne à force d’y croire ? A vous de voir ce qui vous arrange. Quoi qu’il en soit, vous ne pourrez être que conquis par l’esthétique naturelle (oui, de vrais panoramas de l’Islande, c’est dingue comme ça devient rare !) et l’investissement viscéral des acteurs.

   A voir si vous aimez l’heroic fantasy à l’ancienne ou les légendes scandinaves un peu crues.

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Top Gun : Maverick

Action (2h11) de Joseph Kosinski
Avec Jennifer Connelly, Tom Cruise, Miles Teller

Après avoir été l’un des meilleurs pilotes de chasse de la Marine américaine pendant plus de trente ans, Pete Maverick Mitchell continue à repousser ses limites en tant que pilote d’essai. Il refuse de monter en grade, car cela l’obligerait à renoncer à voler. Il est chargé de former un détachement de jeunes diplômés de l’école Top Gun pour une mission spéciale qu’aucun pilote n’aurait jamais imaginée. Lors de cette mission, Maverick rencontre le lieutenant Bradley Rooster Bradshaw, le fils de son défunt ami, le navigateur Nick Goose Bradshaw. Face à un avenir incertain, hanté par ses fantômes, Maverick va devoir affronter ses pires cauchemars au cours d’une mission qui exigera les plus grands des sacrifices.

Mon avis

   Je ne pense pas vous choquer en vous disant que ce film est un mélange entre une lettre d’amour à la Navy et un concentré d’action à la gloire de Tom Cruise, qui n’a visiblement rien compris au principe d’un film « legacy ». Maverick, qui n’est plus tout jeune, est censé former sa relève (ceux censés faire les prochains films, quoi). Hélas, il n’est pas un mentor prêt à passer le relais, mais un gamin turbulent qui ne veut pas grandir, un héros d’action qui ne veut pas laisser sa place. C’est une idole à déifier, un sommet impossible à franchir, un horizon impossible à dépasser. Maverick Cruise est au-dessus de tout et il est là pour le prouver. Aussi passe-t-il son temps à ridiculiser la jeune génération, se montrant supérieur en tout et pour tout, si bien que sans surprise, il reste indispensable du début à la fin.

   Le film est si occupé à glorifier Maverick qu’il en occulte les autres personnages. Ceux-ci sont non seulement peu développés (excepté Rooster, qui l’est uniquement pour l’arc émotionnel de Maverick) ou très clichés (monsieur parfait tellement insupportable que même sa belle gueule ne suffit pas à justifier sa présence à l’écran), mais ils ont aussi l’immense honneur d’être présents pour se faire dérouiller par « Mav » sans jamais prouver pourquoi ils sont désignés comme les meilleurs pilotes de leur promotion. Une absence totale de compétence qui rend le climax absurde, puisque rien ne justifie son déroulé (spoiler : pas un seul élève n’a réussi ne serait-ce que la première des trois étapes de l’entrainement, pas un seul. Le jour J, non seulement ils y arrivent TOUS, mais ils reviennent TOUS en vie… finalement, pas si compliquée que ça, ta mission suicide…). Le plus triste étant que le film écrit blanc sur noir la morale de l’histoire : il faut savoir lâcher prise. Oui mais voilà, Maverick Cruise l’avoue de lui-même, il ne sait pas comment faire. Ou plutôt, il ne veut pas le faire. Il ne veut pas passer au second plan, et ça se sent. Vraiment, beaucoup trop.

   Ceci dit, d’un point de vue de pur divertissement, c’est vraiment qualitatif. L’esthétique est soignée, on a des plans de vol qui donnent de jolis panoramas naturels. La colorimétrie est maitrisée, même lorsqu’elle passe au jaune pour renvoyer un clin d’œil au premier film. Et que dire des scènes d’action ? Le placement de l’objectif dans de véritables avions en vol rend compte de la lourdeur de l’appareil, des sensations des pilotes, de l’impact des virages serrés, ou de la difficulté à se prendre des G lors de brusques accélérations. D’ailleurs, on s’inquiète davantage de voir un pilote perdre conscience que de se faire tirer dessus par un ennemi, parce qu’on sent vraiment que les acteurs le vivent mal, qu’ils souffrent de l’effort d’avoir tourné en conditions réelles. Tout fait vrai, et c’est fou à quel point ça rend les scènes immersives et satisfaisantes. Rien que pour ça, ça vaut le coup de voir le film.

   Du point de vue des acteurs, si on exclut la tête à claque qui joue ce qu’on lui demande de jouer, j’ai surtout eu du mal avec le sourire Colgate de Tom Cruise. S’il joue sans problème les scènes d’action ou d’émotion, en revanche je trouve ses sourires si figés qu’ils en deviennent artificiels, et donc malaisants. Pour le reste du casting, j’ai envie de dire qu’il faudrait un Top Gun sans Maverick pour voir ce dont ils sont vraiment capables. Car comment juger la nouvelle génération, quand l’iconique sexagénaire refuse de leur donner la chance de voler de leurs propres ailes ?

   A voir si vous aimez les films d’action avec de vrais avions de chasse ou si vous appréciez les ego trip de Tom Cruise.

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Et vous, avez-vous cherché la fraîcheur dans une salle obscure ? 😉

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