[Chronique Littéraire] L’Opéra de Shaya, Sylvie Lainé

   Je vous propose de découvrir un récit de science-fiction un peu particulier, puisqu’il se découpe en un recueil d’une novella, de 3 nouvelles et d’une interview. Je veux parler de L’Opéra de Shaya, de Sylvie Lainé, paru chez Actusf.

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FICHE TECHNIQUE

 

  • Titre : L’Opéra de Shaya46742
  • Auteur/Autrice : Sylvie Lainé
  • Illustrateur/Illustratrice : Gilles Francescano
  • Édition : Actusf
  • Collection : Les 3 souhaits
  • Genre : SF, Space Opera
  • Public : Tout Public
  • Cycle : Recueil
  • Pages : 192
  • Parution : 17 avril 2014
  • Langue : Français
  • Format : Numérique – Broché
  • Prix :  3.99 euros – 12 euros
  • ISBN : 978-2917689363
  • Lien : Actusf : L’Opéra de Shaya

Résumé : So-Ann, née dans un vaisseau spatial, a du mal à s’habituer aux coutumes étranges et contraignantes des mondes où se sont établis les humains. Alors quand elle entend parler de Shaya, cette planète où la faune et la flore sont en totale empathie avec ses visiteurs, elle n’hésite pas une seule seconde. Mais en vérité, qui s’adapte à qui ? Quels mystères se cachent dans ce monde qui semble idéal ?

L’Opéra de Shaya est un space opera envoûtant et magique, accompagné de trois autres nouvelles tout aussi fortes et sensibles. Sylvie Lainé est sans aucun doute l’une des plus belles plumes de l’imaginaire en France. Récompensée à maintes reprises, traduite en plusieurs langues, elle tisse depuis trente ans des histoires qui ne cessent de nous interroger sur notre humanité et notre rapport à l’autre.

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MON AVIS

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Lu dans le cadre du Challenge Littérature de l’Imaginaire.

Lu dans le cadre du Printemps de l’Imaginaire Francophone.

 

Couverture et Accroche

   Je dois dire que je suis peu habituée par ce type de couverture pour un récit de science-fiction. J’ai certainement le cliché marketing traditionnel en tête, mais il est vrai que la première fois que j’ai vu la couverture, j’ai pensé qu’il s’agissait de fantasy. En effet, la couleur verte, dominante et que l’on attribue sans mal à la végétation, et l’aspect un peu psychédélique qui découle de la superposition des silhouettes humanoïdes me donnaient l’impression d’un univers un peu magique. Ce qui me paraissait appartenir à la SF, c’était l’étrange créature annelée que l’on voit en transparence et qui me rappelle les parasites que l’on peut observer au microscope. Au final, après lecture, je dois dire que la couverture est parfaite pour le sujet du recueil. Comme quoi, le space opera, ce n’est pas que la conquête spatiale à illustrer par la présence de vaisseaux.

   Si j’avais un doute en voyant la couverture, le résumé heureusement met fin à ces incertitudes. On comprend dès la première phrase qu’il s’agit de space opera, même si l’éditeur s’empresse de le préciser dans un second paragraphe (comme quoi, pas si sûr que ça pour la couverture ^^). J’ai été intriguée par l’histoire que semble conter la novella, et même si, contrairement à beaucoup d’autres recueils, on n’a aucun pitch sur les autres nouvelles, je trouve que ce résumé suffit à donner envie. Concernant le second paragraphe, je dois vous avouer que je ne connaissais Sylvie Lainé que de nom, mais je ne pensais pas qu’elle était si populaire. Bref, j’avais vraiment envie de découvrir cette autrice. Et bien, surprise ! Je n’ai pas été déçue. 😉

 

Prose et Structure

   Le recueil débute par une préface de Jean-Marc Ligny. Entre autres détails intéressants, il parle du style en ces termes « Je n’ai pas parlé du style de Sylvie – mais le devrais-je, quand le plus beau style est celui qui ne se voit pas ? »  Et c’est exactement ça. La plume de l’autrice est tellement juste, tellement précise qu’on ne la perçoit plus. L’histoire se vit avec simplicité sans qu’à aucun instant le regard vienne buter sur un mot, une tournure de phrase, une virgule mal placée. On retrouve tout ce qui fait l’intérêt d’une récit, la narration, l’introspection, la description, sans qu’aucune vienne supplanter les autres ou nous arrache un soupir de lassitude. Vraiment, pour moi, c’est le genre de style qui convient parfaitement au format de la nouvelle.

 

Nouvelles par nouvelles

  • L’Opéra de Shaya

   Novella de 90 pages qui donne son nom au recueil, on y suit So-Ann, une jeune femme née dans l’espace et qui, depuis, voyage de planète en planète pour trouver sa place. Malheureusement, chaque colonie s’est développée de façon à entretenir des codes très stricts, ce qui ne convient pas à notre protagoniste. Elle finit par apprendre qu’il existe un planète idyllique, Shaya, qui sélectionne méticuleusement les rares humains à pouvoir y séjourner durant deux ans. Bien sûr, So-Ann décide de tenter sa chance et se lance dans une aventure qui sera très loin de celle attendue.

   Le récit nous conte la rencontre entre deux espèces, deux cultures distinctes, qui espèrent un échange équitable. En effet, Shaya est une planète où le génotype est instable, si bien que les Shayens accueillent des êtres stables pour s’approprier par le contact physique des séquences d’ADN. En échange, l’humain vit durant 2 ans sur une planète somptueuse sans aucune contrainte. Il est question du rapport à l’autre, dans sa forme la plus complexe, puisqu’elle en appelle à l’interprétation personnelle de ce que l’on pense savoir et comprendre des actes d’autrui. On y voit une So-Ann sûre de ses acquis, quand elle n’aura pourtant pas tant posé de questions à ses nouveaux voisins. Aussi, est-ce sans surprise qu’elle s’empare de rêves pour rapidement se confronter à leur désillusion, dans un apprentissage de l’autre qui rappelle que finalement, on en connait si peu de choses.

   J’ai trouvé cette rencontre touchante ; même si je ne me suis pas reconnue dans So-Ann, je lui ai trouvé des traits communs à de nombreux humains. Celui qui m’a amusé, c’est ce besoin de se sentir le centre de l’univers. So-Ann s’agace souvent de ne pas être à l’honneur, comme si être la seule humaine du coin devait la consacrer comme une entité à vénérer. Sa désillusion est d’autant plus grande que le peuple qui l’accueille ne fait rien de ce qu’elle attend, de ce qu’elle désire. Elle m’est apparue comme une petite fille qui ne comprend pas pourquoi les adultes ne se plient pas à toutes ses volontés. Et même si la finalité de leur rencontre apparaît comme cruelle pour un humain, le choc incombe autant à So-Ann qu’à ses hôtes, car après tout, a-t-elle un seul instant cherché à connaître le but de sa présence ?

   Bref, c’est une novella somptueuse qui pose des questions pertinentes sur notre rapport narcissique à l’autre. Et vous, vous demandez-vous parfois si vous avez bien compris ce que l’autre désire ? Ou lui attribuez-vous seulement les intentions qui vous arrangent ?

 

  • Grenade au bord du ciel

   Nous retrouvons ici une intrigue un peu plus commune dans les nouvelles de SF, puisqu’il est questions d’une équipe d’explorateurs qui découvre, en orbite autour d’une planète peuplée d’individus peu avancés, un astéroïde de métal. En perçant la coque, un étrange végétation en sort et provoque des prises de consciences singulières chez les explorateurs. On reste sur la thématique de la rencontre, bien qu’elle soit différente de celle à laquelle on pourrait s’attendre. En effet, il est ici question d’un choc improbable qui remet en question les choix de vie des individus, cette nécessité imposée de refouler ce qui n’est pas souhaitable par la société. Une belle nouvelle qui raconte de façon originale l’importance de ne pas étouffer tous ses espoirs.

 

  • Petits arrangements intergalactiques

   Nouvelle la plus courte du récit, il est ici question d’un protagoniste unique qui, suite à une avarie de son vaisseau, se retrouve coincé sur une planète isolée et non civilisée. Il sait qu’on le retrouvera, mais le transit dans le coin est rare, il lui faut donc trouver de quoi survivre en attendant la prochaine navette. Un texte drôle qui parle avec intelligence du bonheur de se nourrir à sa convenance. Et contrairement à ce qu’on pourrait croire, elle ne jure en rien avec le reste du recueil, puisque oui, il est une fois encore question du rapport à l’autre, et de l’échange bénéfique qui peut lier deux espèces.

 

  • Un amour de sable

   Dernière nouvelle du recueil, elle change un peu par sa forme puisqu’elle alterne entre deux narrations différenciées par un changement de typographie. Ici, nous retrouvons une équipe d’explorateurs qui débarque sur une planète pour en définir les propriétés et savoir si elle serait rentable à la terraformation. Si les humains croient faire de simples recherches scientifiques, ce n’est pas le cas de l’entité qu’ils embarquent avec eux et qui prend un réel plaisir à ce qu’elle prend pour une volonté de partage. Il en résulte une analyse toute en émotion des expériences scientifiques, qui aboutit à une conclusion logique et pourtant terrible dans son sous-entendu. Un texte encore une fois sublime dans sa façon de raconter sa perception de l’autre.

 

  • Interview

   Il s’agit de la partie du recueil que j’ai la moins appréciée. Pas parce que je n’aime pas les interviews, pas parce que Sylvie Lainé ne raconte rien de passionnant, mais parce que j’ai été gênée par certaines questions de Jean-Marc Ligny. Pour être honnête, j’ai cru qu’il allait finir par demander si c’était bien sa place en tant que femme d’écrire de la SF. Même si je doute qu’il ait ce type de mentalité, j’avoue que découvrir qu’on puisse encore poser la question de savoir si une femme peut écrire un protagoniste masculin (et à la première personne en plus, oh la la !) dans les années 2010, ça me choque.

   Heureusement, l’autrice répond fort bien aux questions, elle a une façon assez romanesque de parler de sa vie, or j’ai toujours trouvé fascinants les auteurs capables de se raconter eux-mêmes. Et puis, il y a toutes ses réflexions, tellement justes pour remettre en question les préjugés. Le personnage de Grenade au bord du ciel est trop sentimental pour un homme… vraiment ? Sylvie Lainé ne trouve pas, elle pense que c’est un humain comme un autre (d’ailleurs, elle ne voit pas pourquoi Jean-Marc Ligny l’interprète comme la personnification de son homme idéal…). De même, les récits ne sont pas très scientifiques, selon lui. Mais vulgariser un sujet, est-ce le rendre moins scientifique ou simplement plus accessible ? Car parler des propriétés physiques du sable ou de l’adaptabilité génétique, n’est-ce pas une démarche scientifique ?

   Avoir un cursus scientifique ne signifie pas connaitre tous les sujets en scienceS (oui, avec un « s »). Sylvie Lainé est chercheuse en sciences de la communication, je ne vois pas le rapport avec la génétique et donc le fait qu’il faille de sa part donner davantage de détails qu’un auteur sans formation scientifique. L’amalgame sur le sujet est ridicule et énervant. Quand tu es pro en football, on ne te dit pas que tu dois connaître absolument tous les sports, même le curling, le lancer de poids et le slalom, parce qu’après tout, c’est la même chose, n’est-ce pas ? Mais si tu veux écrire sur le slalom, on est d’accord que tu te dois de te renseigner sur le sujet, peu importe que tu sois pro en football ou amoureux de la neige. Et que selon ton envie/besoin, tu n’es pas obligé d’enchaîner les détails techniques. Il me semble donc que dire à un scientifique qu’il DOIT écrire de façon scientifique, c’est un peu idiot.

   Bref, pour moi, l’interview ressemblait un peu a un retour en arrière, du temps où on en était encore à prétendre que la SF est une affaire d’homme et qu’elle doit absolument être de la hard compréhensible de seuls experts (si possible un minimum de 5 doctorats différents, histoire d’être suffisamment calés pour qu’on n’ait pas besoin de vous expliquer quoi que ce soit). Mais après tout, peut-être qu’il ne s’agit que de ma simple interprétation de cet échange. 😉

 

Conclusion

   Si je ne connaissais Sylvie Lainé que de nom, je suis ravie d’avoir pu lire son recueil L’Opéra de Shaya. Outre une plume très juste qui parvient à se faire oublier au point de nous laisser vivre pleinement l’histoire, l’autrice nous propose ici une déclinaison d’une thématique riche et passionnante, notre rapport à l’autre grâce à notre interprétation de ses actes. Quatre textes magnifiques à découvrir absolument, avant de, comme moi, partir en quête des autres recueils de cette autrice de talent. 😉

 

Alors, envie d’explorer la planète idyllique de Shaya ? 🙂

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UN APERÇU D’AILLEURS SUR

L’Opéra de Shaya ?

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15 réflexions sur “[Chronique Littéraire] L’Opéra de Shaya, Sylvie Lainé

  1. Tigger Lilly dit :

    « j’ai cru qu’il allait finir par demander si c’était bien sa place en tant que femme d’écrire de la SF »
    Alors woaw c’est dingue j’ai lu ce bouquin en 2014 et je n’ai aucun souvenir que ça m’ait choqué. Là je me dis que soit je dormais en lisant soit mon féminisme a fait du chemin depuis (ce qui est très probable d’ailleurs, depuis #metoo je suis sans doute passée du côté nouvelle terreur féministe de la force :D). Je m’en vais la relire. Merci et merci pour le lien au passage 🙂

    Aimé par 1 personne

    • Eleyna dit :

      C’est peut-être ma sensibilité sur le sujet qui me fait percevoir cette interview d’une certaine façon. Mais j’avoue que j’ai trouvé les réflexions de Jean-Marc Ligny un peu trop orientées sur le fait qu’elle est une femme (qui écrit des personnages d’hommes sensibles, le drame…). Après si les autres lecteurs ne le perçoivent pas ainsi, tant mieux j’imagine, ça ne doit rendre la lecture de leur échange que plus agréable. 🙂

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  2. John Évasion dit :

    Dans la Wishlist ^^ Fidèle à ton pas balancé regroupe ces nouvelles en plus d’autres comme le précise Elhyandra. Donc je vais attendre de tomber sur celui-là pour avoir un ouvrage plus globale sur l’oeuvre de Sylvie Lainé que je ne connais que de nom finalement.
    Belle chronique !

    Aimé par 1 personne

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