[Chronique Littéraire] Serpentine, Mélanie Fazi

   Nouvelle chronique dans le cadre de la GrosseOP de Bragelonne, avec cette fois un recueil de nouvelles, Serpentine de Mélanie Fazi. Et qui dit recueil de nouvelles, dit format de chronique adapté en conséquence. 😉

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FICHE TECHNIQUE

 

  • Titre : Serpentine20080125_fazisb
  • Auteur/Autrice : Mélanie Fazi
  • Illustrateur/Illustratrice : Fabrice Borio
  • Édition : Bragelonne
  • Collection : L’Ombre
  • Genre : Fantastique
  • Public : Adulte
  • Cycle : Recueil
  • Pages : 320
  • Parution : 27 février 2008
  • Langue : Français
  • Format : Numérique – Papier
  • Prix : 5,99 euros – 15,30 euros
  • ISBN : 9782352941507
  • Lien : Bragelonne : Serpentine

Résumé : Une boutique de tatouage où l’on emploie des encres un peu spéciales.
Une aire d’autoroute qui devient un refuge à la nuit tombée.
Une ligne de métro où l’on fait d’étranges rencontres.
Un restaurant grec dont la patronne se nomme Circé.
Une maison italienne où deux enfants croisent un esprit familier…
Tels sont les décors du quotidien où prennent racine ces dix nouvelles. Dix étapes, et autant de façades rassurantes au premier abord… mais qui s’ouvrent bientôt sur des zones plus troubles.
Car les lieux les plus familiers dissimulent souvent des failles, écho de ces fêlures que l’on porte en soi.
Il suffit de si peu, parfois, pour que tout bascule…

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MON AVIS

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Couverture et Accroche

   Je lui est déjà vu un autre visuel de couverture, mais je dois avouer que j’aime beaucoup celui-ci qui fait très grimoire, ou vieux journal intime recueillant des histoires secrètes. La couleur noire, les arabesques métalliques et l’impression qu’une brume couvre l’ouvrage donne un aspect gothique qui correspond bien à l’ambiance des nouvelles. J’ai quelques difficultés à identifier le contenu du médaillon, mais je pense que l’impression étrange qui s’en dégage est un rappel des fameuses failles énoncées dans le résumé.

    Le résumé se compose d’une accroche pour plusieurs nouvelles afin de donner une idée sur le type d’ambiance, suivie d’un message plus global qui rappelle que derrière les apparences d’une vie banale, se dissimulent parfois d’étranges histoires. On parle du soi, du ressenti, on sait dans quoi on s’engage. Si vous n’aimez pas les introspections, inutile de poursuivre la lecture. Le recueil se veut un condensé d’instants de vie, certes singuliers, mais qui expriment ce qui forme notre humanité, ce qui rampe sournoisement ou résonne avec fracas. Fan d’actions rocambolesques s’abstenir, c’est à vos émotions qu’on s’adresse.

 

Prose et Structure

    La plume de l’autrice est unique et ceux qui suivent un peu son parcours savent qu’elle est unanimement saluée pour ses qualités d’écriture. Je ne ferai pas exception en reconnaissant avoir appréciée sa prose, à la fois poétique et précise, dotée d’un rythme qui lui est propre et qui, j’imagine ne saura pas convenir à tout le monde.

   Je ne vais pas m’attarder sur la structure du recueil, dix nouvelles réunies autour d’une thématique pas toujours compréhensible pour tous (voir résumé ^^) et qui laissera surement certains lecteurs sur le bord de l’autoroute. Je vais plutôt m’attarder sur les thématiques récurrentes du recueil, comme l’art que l’on retrouve dans plusieurs nouvelles et sous plusieurs formes, qui sert autant d’exutoires que de support à l’expression des troubles intérieurs. On retrouve bien évidemment la notion de folie, présente dans toutes les nouvelles et qui est le facteur de doute des récits : est-ce cela ou bien autre chose de plus surnaturel ? Enfin, il y a un rapport évident à la mort, et à la considération que nous en avons. Un ensemble de thématiques plutôt adaptées pour un recueil fantastique en somme.

 

Nouvelles par Nouvelles

  • « Serpentine » : Un homme se rend dans un salon de tatouages pour une commande spéciale.

Je crois que c’est la seule nouvelle où je me suis posée des questions sur la pertinence de certains détails. Ainsi, on apprend que le tatoueur, assez particulier, a plusieurs confrères partageant sa spécialité, mais avec une spécificité unique à chacun… Et je n’ai pas compris l’intérêt de la spécificité de la plupart d’entre eux. Dans leur jeu particulier, je ne vois pas comment elle peut les tenir longtemps dans la course, car elle est justement trop spécifique et ne permet pas de renouveler l’expérience au-delà des exemples cités. C’est du détail, j’avoue, mais ça touche au fondement même de l’histoire. Dommage, parce qu’en soit, l’idée est très intéressante.

  • « Élégie » : Une femme demande à celui qu’elle pense être le ravisseur de ses enfants de les lui rendre.

Subtile et poétique, on est confronté à un monologue qui nous tient sur la corde raide entre l’étrange et la folie. L’une des nouvelles qui trouvera certainement le moins d’adeptes car elle n’est pas à la portée de ceux qui se refusent à entrer dans l’introspection pure. Elle porte pourtant la marque de cette détresse terrible qui submerge la mère et nous fait nous questionner sur les contours assez flous de la vérité perçue par l’esprit humain en perdition.

  • « Nous reprendre à la route » : L’histoire d’une femme coincée sur une aire d’autoroute après avoir raté son car.

L’une des nouvelles qui plaira probablement le plus car elle s’ancre davantage dans du fantastique assumé, mais aussi dans un univers assez connu du lectorat. L’histoire pourtant commence de façon assez semblable aux autres, dans un mélange d’introspection et de découverte de l’environnement immédiat qui peu sembler un peu long, mais qui prend tout son sens sur la fin, lorsque vient la révélation de ce qui se produit réellement (révélation qui peut être comprise assez rapidement, mais qu’on accepte de contenir pour s’attacher à la propre découverte de la protagoniste).

  • « Rêve de cendre » : Une jeune fille conte sa rencontre avec l’oiseau de feu.

Construite à l’image des autres, elle défait lentement les fils de sa composition pour nous permettre d’entrer dans la psyché de sa narratrice. Ainsi, on découvre les étapes qui l’ont mené à affermir cette idée qu’elle a été choisi par l’oiseau de feu depuis toute petite. Là encore un façon intéressante de conter tout aussi bien ce qui peut être une descente dans la folie qu’une véritable rencontre avec une entité comprise d’elle-seule. Un aspect très intime qui touchera certainement quelques lecteurs dans l’expression de la solitude adolescente et l’impression d’être incompris.

  • « Matilda » : Une fan se rend au premier concert de Matilda des années après que celle-ci ait quittée le devant de la scène.

Seule nouvelle où j’ai eu un doute à la fin sur ce que je devais comprendre. J’avoue m’être fait quelques films à différents moments, allant jusqu’à imaginer la culpabilité de la narratrice pour un certain crime, avant d’être démentie par l’histoire. Au-delà de ce doute, la nouvelle fait partie de celles qui se basent sur un univers particulier, ici celui d’un groupe de rock, qui aidera de nombreux lecteurs à s’y intéresser. L’aspect hypnotique de la voix de la chanteuse parlera certainement aux fans de musique.

  • « Mémoire des herbes aromatiques » : Ulysse et Circé se retrouvent dans un restaurant grec des siècles après les aventures de l’Odyssée.

La nouvelle assume clairement son aspect fantaisiste puisqu’elle conte la rencontre d’immortels issus de la mythologie grecque, présentée dans un cadre moderne. Elle ne dénote pourtant pas par rapport au reste du recueil, puisqu’elle illustre là encore une facette trouble de l’humanité, mise savamment en avant par l’intermédiaire de la cuisine. Après tout, êtes-vous certains qu’Ulysse a dit toute la vérité sur son Odyssée ? Ne dit-on pas que l’Histoire est écrite par les vainqueurs ?

  • « Petit théâtre de rame » : Une histoire contée par quatre habitués du métro qui se passent le relais.

Seule histoire qui alterne les points de vue, de façon très intéressante puisque les protagonistes se passent le relais à chaque fois qu’ils quittent le métro. Ainsi, nous ne sortons jamais au grand jour, et c’est tout l’intérêt de l’histoire, car les secrets du métro restent dans le métro. J’avoue que les révélations et les motivations du dernier protagoniste m’ont prise totalement au dépourvu.

  • « Le faiseur de pluie » : Deux enfants rencontrent dans la vieille maison familiale l’esprit qui y est lié.

Seule histoire racontée à la troisième personne du singulier, c’est aussi la seule qui prend de la distance avec l’introspection, mais pas avec la notion de souvenir, qui est un élément récurrent dans les différentes nouvelles. Plus douce, elle suit les pérégrinations des enfants menés par leur innocence, celle-là même qui maintient leurs mésaventures à la lisière du surnaturel. Imagination fertile liée au lieu tant aimé de leurs jeux d’enfants ou réelle présence hantant le couloir ?

  • « Le passeur » : Un homme coupable d’un terrible crime est hanté par son geste et cherche la rédemption.

C’est peut-être l’une des nouvelles les plus dérangeantes à suivre puisque la nature du narrateur est connu dès le début, contrairement aux autres que nous apprenons à connaître au cours de la nouvelle. Cela ne retire en rien l’intérêt de l’histoire, puisqu’elle nous permet de suivre le parcours de cet homme au sein de sa propre folie née de sa culpabilité. A moins qu’il y ait un soupçon de réalité dans ce qui le hante, qui sait ?

  • « Ghost Town blues » : Une ville fantôme dans le désert du grand ouest accueille en son saloon un voyageur égaré.

Une nouvelle qui sort un peu de l’ordinaire, notamment par le choix de son cadre et de son ambiance western, propice à développer l’histoire de la ville. L’histoire de la ville… voilà une expression bien amusante une fois la nouvelle lue. J’aime beaucoup cet effet assez paradoxal entre le contenu d’une ville sans histoire et la forme qui raconte l’histoire d’une ville sans histoire. Au-delà de ce petit jeu de mots, on retrouve dans cette nouvelle un aspect fantastique prononcé par l’usage singulier des souvenirs.

 

Conclusion

   Serpentine est un recueil de nouvelles qui jouent parfaitement sur la frontière floue entre le surnaturel et la folie en nous contant plusieurs histoires qui s’attardent sur une profonde introspection des personnages. Ici, on célèbre les arts comme des exutoires à des pulsions soudaines ou des désirs plus profonds, on conte les émotions les plus sombres et les plus troubles, on s’attarde sur des fêlures que nous avons tous effleurées à un moment de notre vie. Et si certaines suffisaient à basculer de l’autre côté ?

 

Envie de se perdre dans les profondeurs de l’âme humaine ? 🙂

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Un aperçu d’ailleurs sur

Serpentine ?

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