[Chronique Littéraire] Le Jardin des silences, Mélanie Fazi

   Aujourd’hui, pour cette troisième chronique pour le Printemps de l’Imaginaire Francophone, il sera question d’un recueil de nouvelles fantastiques, avec Le Jardin des Silences, de Mélanie Fazi (Editions Bragelonne).

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FICHE TECHNIQUE

 

  • Titre : Le Jardin des silences1410-jardin-silences_org_3
  • Auteur/Autrice : Mélanie Fazi
  • Illustrateur/Illustratrice : Fabrice Borio
  • Édition : Bragelonne
  • Collection : L’autre
  • Genre : Fantastique
  • Public : Adulte
  • Cycle : Recueil
  • Pages : 256
  • Parution : 22 otobre 2014
  • Langue : Français
  • Format : Numérique – Broché
  • Prix : 5,99 euros – 15 euros
  • ISBN : 9782352947929
  • Lien : Bragelonne : Le Jardin des silences

Résumé : Un bal secret au coeur de l’hiver, une violoniste dont les notes soulèvent le voile des apparences, une dresseuse d’automates dépassée par sa création : à travers ces douze textes ciselés, découvrez ou retrouvez l’univers envoûtant de Mélanie Fazi, auteure rare à la plume délicate, qui joue des mots émotions avec une justesse bouleversante.

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MON AVIS

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Lu dans le cadre du 8e Challenge Littérature de l’Imaginaire.

Lu dans le cadre du Printemps de l’Imaginaire Francophone 2020.

Pour ma chronique sur son recueil Serpentine, c’est ici.

 

Couverture et Accroche

    Une couverture qui donne un aspect un peu vieux recueil de contes anciens et que j’aime beaucoup. Je trouve que ça correspond bien au style magnifique de l’autrice, ça lui donne un côté intemporel, malgré l’ancrage très moderne de ses nouvelles. Le médaillon tout en sobriété répond parfaitement au titre et donne dans cette simple silhouette d’un arbre et d’une femme, toute une palette d’émotions qui ressort souvent des textes. En bref, je trouve que c’est un bon choix.

   Le résumé est plus sommaire que pour celui du recueil Serpentine, puisqu’il ne parle que de quelques nouvelles sur l’ensemble. Je le trouve aussi moins adroit, puisqu’un peu trop démonstratif dans sa persuasion émotionnelle. Pour moi, l’éditeur n’a pas à dire que le texte est bouleversant, c’est au lecteur de se faire son propre avis émotionnel sur la question. Si je n’avais pas déjà lu des textes Mélanie Fazi, il est fort probable qui j’y serais allée à reculons (je n’aurais pas pris ce recueil, quoi).

 

Prose et Structure

   J’avais adoré la plume ciselée de Mélanie Fazi dans son recueil Seprentine, j’en suis définitivement tombée amoureuse. Tout est beau et poétique, d’une telle justesse dans l’émotion, alors que pas une nouvelle ne se ressemble et n’évoque les mêmes histoires, les mêmes drames, les mêmes effets de style. Il n’y a pas à dire, l’autrice mérite amplement son titre de princesse du fantastique.

   Ce recueil est moins cruel et moins glauque que celui de Serpentine, il possède un côté plus onirique et doux, mais aussi des frontières plus franches entre le réalisme et le surnaturel. Moins de folie et de névrose, plus de regrets, de pulsions sentimentales, il conserve quelques thématiques récurrentes de l’autrice, comme l’importance de l’art dans l’expression des sentiments, ou la difficulté à se sentir différent du reste du monde. Des textes tout en sensibilité et délicatesse qui atteignent à chaque fois leur cible émotionnelle.

 

Nouvelles par Nouvelles

  • Swan le Bien-Nommé : une jeune fille fuit la maison de sa marâtre en laissant son jeune frère derrière elle.

   Une revisite moderne et curieusement assez fidèle du conte des Cygnes Sauvages d’Andersen, où une jeune femme est contraint de fuir sa maison après que sa méchante belle-mère ait tenté de l’ensorceler. La force de cette revisite, et ce qui fait toute la puissance des textes de Mélanie Fazi, c’est qu’on oscille toujours sur les limites intangibles du fantastique. Puisque l’on suit le point de vue interne et forcément biaisé de la jeune fille, on ne sait jamais vraiment si ce qu’elle vit est réel, s’il s’agit d’une métaphore, ou si elle imagine totalement sa vie dans un délire névrotique.

 

  • L’Arbre et les Corneilles : une femme rend visite à sa grand tête pour une singulière tradition de Noël.

   Un magnifique texte qui raconte avec émotion la nostalgie des précédents Noël, ce jour particulier qui, quelque soit la manière dont on le fête, laisse toujours des souvenirs indélébiles que l’on ressasse souvent d’une année sur l’autre. Un bel hommage aussi à la tradition familiale, cette passation générationnelle entretenue comme un joli conte oral.

 

  • Miroir de Porcelaine : Une dresseuse d’automates tente tant bien que mal de faire danser sa création.

   Une façon originale et déroutante de parler de la déception sentimentale, de la difficulté à se reconstruire après une rupture douloureuse. Mais aussi une façon de raconter la douleur que peut éprouver un artiste lorsqu’il s’aperçoit que l’intérêt qu’on lui porte tient à la perfection de sa création et non à ses propres qualités.

 

  • L’Autre Route : Un père et sa fille se retrouvent sur une étrange route où toutes les voitures semblent abandonnées.

    Un texte à la fois onirique et inquiétant qui parle du danger à garder le silence sur des situations douloureuses et pas toujours compréhensibles pour les enfants. Une belle métaphore sur ces chemins de vie que l’on peut emprunter, parfois sans s’en rendre compte, et qui peuvent nous éloigner définitivement de ceux que nous aimons.

 

  • Les Sœurs de la Tarasque : Sept jeunes filles ont été choisi pour intégrer un pensionnat dédié au culte du Dragon.

   C’est l’une des histoires les plus glauques et bouleversantes du recueil, puisqu’elle parle des terribles ravages du patriarcat et de l’endoctrinement religieux sur des jeunes filles abusées par des promesses et des contes qu’on leur ressasse depuis leur plus tendre enfance. C’est aussi l’histoire des désillusions, des incompréhensions, de ce sentiment étrange que l’on ressent lorsqu’on s’aperçoit que l’on est différent des autres, pas tout à fait dans la norme, dans cette société qui était censée parfaitement nous façonner. Mais que l’on accepte quand même, parce qu’on n’a pas vraiment le choix.

 

  • Le Pollen de Minuit : L’obsession d’une petite entité pour l’humain qu’elle féconde de ses rêves.

   Cette courte nouvelle est à la fois magique dans sa façon métaphorique d’aborder la naissance des rêves et dérangeante dans l’obsession de plus en plus humaine que le petit être immatériel éprouve pour l’humain qu’elle visite chaque nuit. Un texte que j’aurais trouvé sublime s’il avait fini autrement, mais qui me laisse un goût de tristesse et d’amertume, comme si quelque chose dans cette quête du charnel avait perverti la beauté onirique.

 

  • L’Eté dans la Vallée : Une jeune fille à la voix étrange décide de quitter la vallée où elle est née.

   Une courte nouvelle particulièrement douloureuse où on perçoit tout le poids des jugements et des superstitions, où l’individu est déshumanisé au profit de son talent unique, parce que la foule estime que celui-ci lui appartient. Un rappel indirect aussi sur cette façon qu’a la société d’orienter les jeunes sur des voies qui correspondent à « leurs capacités naturelles » plutôt qu’à leur envie ou passion.

 

  • Le Jardin des Silences : Une femme découvre dans Paris un mystérieux jardin qui change de place régulièrement.

    Une nouvelle qui fonctionne un peu comme celle de L’Arbre et les Corneilles, mais qui au lieu de plonger dans le passé avec une douce nostalgie, réveille chaque jour un peu plus les douloureux souvenirs et les erreurs de jeunesse. Un texte qui a quelque chose d’un peu moins onirique dans sa narration, d’un peu plus cru et violent, dans une opposition étrange avec cet apaisement que le jardin semble apporter à la narratrice.

 

  • Née du Givre : Le reflet givré d’une femme prend peu à peu vie.

  Le texte le plus court et le plus terrifiant aussi, qui parle d’un reflet s’appropriant la vie de la femme qu’il imite. Une belle et cruelle métaphore de la vie qui nous échappe et de cette impression de ne plus se reconnaître dans le miroir.

 

  • Dragon  Caché : Un petit garçon entretient un lien étroit avec la nature, que ce soit par l’esprit ou le corps.

   Une nouvelle à la fois belle et terrible qui parle de la différence d’un petit garçon qui terrifie et fascine les adultes. Une revisite aussi du mythe de la sorcière, une explication originale sur l’origine de leurs pouvoirs de guérisseuses et de maîtresses des éléments, ainsi qu’une condamnation de la société patriarcale et des codes normatifs qui malmènent ceux qui osent ignorer ou refuser les lois des hommes.

 

  • Un Bal d’Hiver : Une jeune femme est invitée pour le réveillon de Noël chez la nouvelle compagne de son père.

    Une jolie histoire de Noël sur le deuil d’un parent proche et la difficulté à accepter qu’un autre le remplace. Un texte qui a la décence de ne pas juger ceux qui préfèrent vivre dans le passé, tout en encourageant ceux qui n’ont besoin que d’un petit coup de pouce pour envisager l’avenir.

 

  • Trois Renards : Une violoniste tente de se reconstruire en retrouvant la magie de sa musique.

    Une nouvelle troublante qui parle du terrible fléau que représente les relations toxiques entretenues pas les pervers narcissiques, cette fascination des premiers jours, cette coupure nette avec son environnement familier que l’on croit naturelle, puis la violence des mots et des coups, celle tout aussi dure de l’entourage qui juge et méprise la faiblesse de la victime. Cette difficulté au bout de ce parcours de destruction intime et irrémédiable, cette difficulté à se relever seule, comme plus personne n’est présent pour vous soutenir. Cette difficulté à retrouver un rayon de soleil qui finalement, ne peut venir que de soi.

 

Conclusion

    Le Jardin des Silences est un recueil de nouvelles fantastiques et poétiques effleurant de nombreuses thématiques à fort impact émotionnel comme le deuil, le regret, la différence, l’emprise mentale, le tout joliment mis en mots par la plume ciselée et inimitable de Mélanie Fazi. Un magnifique recueil qui m’aura fait vibrer de bout en bout.

 

Alors, envie de découvrir la plume de Mélanie Fazi ? 🙂

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Un aperçu d’ailleurs sur

Le Jardin des silences ?

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