[Chronique Littéraire] La Débusqueuse de Mondes, Luce Basseterre

   Nouvelle chronique littéraire pour le Printemps de l’Imaginaire Francophone, cette fois-ci en science-fiction, avec la Débusqueuse de Mondes, de Luce Basseterre.

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FICHE TECHNIQUE

  • Titre : La Débusqueuse de MondesCouverture la débusqueuse de mondes
  • Auteur/Autrice : Luce Basseterre
  • Illustrateur/Illustratrice : Inketone
  • Édition : Mü éditions
  • Collection : Le peuple de Mü
  • Genre : Science-Fiction, Space Opera
  • Public : Adulte
  • Cycle : One-Shot
  • Pages : 304
  • Parution : 5 avril 2017
  • Langue : Français
  • Format : Numérique – Papier
  • Prix : 5,99 euros – 18 euros
  • ISBN : 979-10-92961-63-8
  • Lien : Mü : La débusqueuse de Mondes

Résumé : Contrairement à ce que les Humains ont longtemps cru, la Terre n’est pas le centre de l’univers et elle est loin d’être l’unique monde habité. L’espace grouille de vie. Mais si l’intelligence n’est pas l’apanage des seuls mammifères bipèdes… la bêtise non plus.

En compagnie de D’Guéba et Otton, embarquez à bord de Koba, le cybersquale, pour un rocambolesque roadtrip intersidéral.

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MON AVIS

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    Ce livre fait partie de ma PAL depuis près d’un an, comme il a été acheté en salon par un membre de ma famille et que je m’étais promis d’y jeter un œil un jour. C’est désormais chose faite. 😉

Couverture et Accroche

   L’illustration d’Inketone possède un côté très esthétique et poétique que j’apprécie beaucoup. Le dessin et les couleurs qui donnent vie à un improbable environnement correspondent bien à l’idée que je me fais d’un exotisme extraterrestre propre à un space opera plus orienté sur la découverte de mondes que sur des batailles intergalactiques.

   Le résumé est intriguant et en vérité, raconte bien peu de choses sur l’intrigue. Et pourtant, ça marche.

Prose et Structure

    Le texte, écrit à la première personne et au présent, suit le point de vue des trois personnages principaux. Ce choix est combiné à un structure du récit particulièrement efficace, puisque celui-ci se découpe en une multitude de chapitres très courts, alternant chaque point de vue avec pertinence. Ces changements de narrateur sont signalés au début de chaque chapitre, et même sans cela, la situation, ainsi que les termes particuliers et autres tics de langage, permettent de rapidement identifier le personnage que nous suivons. La lecture est ainsi fluide et rapide, d’autant que la plume, efficace et sans vocabulaire superflu, reste abordable par n’importe qui, y compris des lecteurs peu habitués par les ouvrages de space opera. Je crois que je n’ai pas autant apprécié ce type de narration depuis bien longtemps, de quoi me réconcilier avec le présent. 😉

Personnages et Narrateurs

   Les personnages principaux sont donc au nombre de trois, entourés de quelques personnages secondaires de plus ou moins grande importance.

   Parmi eux, nous retrouvons celle qui donne son titre au livre, la débusqueuse de monde D’Guéba, une Caudata, créature aux allures de grenouille dotée d’une langue bien acérée (pour le verbe comme pour la chasse aux moustiques). Elle a du caractère et sait se défendre sans manifester de peur ou de réelles incertitudes, la cause probable d’un fonctionnement à l’instinct. Elle a aussi une éthique qui correspond à ses principes de vie, en faisant une personnalité dotée d’une bonté dissimulée sous du sarcasme ou des manières un peu rudes. Ainsi est-elle notamment contre l’exploitation des créatures dites sapientes (conscientes et intelligentes à l’image des Humains), autant que contre leur éradication pour d’obscures raisons. Car oui, cela entre en ligne de compte dans son métier. Remodeler des mondes pour les rendre habitables la confronte à d’étranges situations, parfois tragiques.

    C’est dans le cadre d’une de ses missions qu’elle fait la rencontre d’Otton, un esclave humain qui a connu plusieurs maîtres avant de se retrouver seul survivant du crash d’un vaisseau suite à une mutinerie. Acheté pour ses capacités de rêveur, il a connu une vie peut-être moins rude qu’un esclave ordinaire, mais n’en a pas moins gardé certaines séquelles, comme une habitude à baisser le regard ou à rester en retrait pour suivre le mouvement. En vérité, se cache derrière cette attitude un esprit vif et curieux, ainsi qu’une empathie pour autrui qui le voit peu à peu s’affranchir de ses anciennes chaînes de servitude. S’il est serviable et reconnaissant envers D’Guéba, il n’en poursuit pas moins ses propres motivations, parfois pas toujours en accord avec ceux de sa sauveuse.

    Le dernier des protagonistes n’est autre que Koba, le cybersquale qui sert de transport et de partenaire à D’Guéba. Contrairement à de nombreux vaisseaux de SF, Koba est un être vivant, du moins en partie. A l’origine Fenjick, créature interstellaire pacifique capable de naviguer dans l’espace sans se faire repérer, Koba s’est fait capturé, lobotomisé et bardé de technologies diverses, en faisant un vaisseau à l’intelligence et l’habitacle semi-artificiels. Etant parvenu à se révolter contre ses oppresseurs, comme tant d’autres de son espèce, il a bourlingué un moment avant d’être sauvé par D’Guéba et de devenir son partenaire. Une amitié indéfectible les lie désormais, si bien que Koba ne peut plus se passer de sa grenouille. Ce n’est pas d’ailleurs la seule preuve de son sentimentalisme. En effet, il possède des sondes ultra-sophistiquées et partiellement autonomes qu’ils appellent affectueusement ses filles.

    En vérité, les trois protagonistes sont chacun attachants à leur manière, si bien que j’ai apprécié naviguer d’un point de vue à l’autre. Dommage, finalement, de devoir les quitter si rapidement. 😉

Univers et Atmosphère

    L’univers est celui-ci d’un space opera, avec sa multitude de mondes, d’espèces, de cultures… Mais si habituellement, ce sont les créatures qui semblent être le centre d’intérêt du récit et donc du lecteur, ici, les planètes elles-mêmes sont des actrices importantes de l’intrigue, et se laissent découvrir d’une façon fort appréciable par l’intermédiaire du métier de D’Guéba. Ce qui est agréable, c’est qu’il n’y a rien de difficile à comprendre pour apprécier la diversité et la beauté de ces astres, d’apprendre sans charabia scientifique leur intérêt ou non pour la terraformation, et d’en découvrir, alors que l’oeuvre mise en chantier est enfin achevée, l’écosystème qui s’y est développé. C’est d’ailleurs, à l’image de la couverture, une découverte plus contemplative et mystérieuse qu’hostile et dangereuse, à l’inverse de nombreux univers du genre lorsqu’il s’agit d’aller sur une planète vierge. Et ce genre d’excursions assez paisibles méritent d’être vécues.

   Bien entendu, les diverses espèces et leurs coutumes ont aussi leur importance dans l’univers décrit. Les créatures sont d’ailleurs aussi disparates qu’on peut s’y attendre, entre les créatures insectoïdes, félines, amphibiennes ou reptiliennes, il y en a pour tous les goûts. Y compris ceux qui apprécient les espèces végétales. Les différents peuples vivent plus ou moins facilement les uns avec les autres, selon les secteurs et les planètes. Ainsi un humain est-il par exemple un esclave, voire une marchandise comestible, tout à fait toléré dans certains coins de l’univers, quand il sera bien entendu malvenu d’en promener un dans une colonie humaine. Contrairement à certains récits du genre, les problématiques de compatibilité ou de contraintes morphologiques/physiologiques sont assez rapidement évacuées et je regrette personnellement qu’il soit si facile pour tous de vivre dans les mêmes conditions atmosphériques, gravitationnelles, etc… Un petit bémol qui n’empêche pas cependant d’apprécier le récit.

Intrigues et Thématiques

   D’Guéba est une débusqueuse de mondes. Elle est payée pour parcourir l’espace à la recherche de planètes, de lunes ou de satellites susceptibles d’être terraformés pour accueillir la vie. C’est au cours de l’une de ses missions sur une vieille planète qui a autrefois été habitée par un espèce humanoïde qu’elle fait la rencontre d’Otton, un esclave humain qui a survécu au crash de son vaisseau. Si en le prenant avec elle sur Koba, elle a l’intention de le larguer rapidement à la prochaine station stellaire, Otton en décide autrement en la suivant partout, poussé par ses propres motivations. On les suit ainsi, tous les trois, de mission en mission, dans une découverte de l’univers, des différents peuples, des planètes déjà colonisées, des marchés noires où se négocient les affaires jusqu’aux bureaux du Consortium responsable des commandes pour D’Guéba. Pas de quête pour sauver l’univers ici, mais le quotidien atypique d’une débusqueuse de mondes, de son vaisseau vivant et de son passager encombrant. Un quotidien avec des enjeux pharaoniques, certes, puisqu’il s’agit d’attribuer des planètes à des peuples entiers. Mais on ne retrouve pas cette ambiance de fin du monde ou de grande révolte de certains récits. Même si le climax final s’y hisse quelque peu, cela reste raisonnable et bien dosé, dans le sens où il n’y a pas de surenchère dans la dramaturgie et les ficelles de tensions narratives. Et mine de rien, ça fait du bien.

    Le récit permet aussi de parler de la vie. La vie pour les créatures, certes. Quelles sont les créatures « intelligentes » et qui bénéficient de droits et de protections ? A quels stades d’évolution sont-elles considérées comme faisant parties des sapientes ? Qu’en est-il des esclaves et des espèces dites comestibles ? Les espèces invasives, volontairement ou non, ont-elles autant de droits que les autochtones ? La vie de chacun est donc une question centrale dans le récit, mais elle implique aussi les astres. Car la débusqueuse de mondes est autant une donneuse de vie, elle sélectionne les planètes qui auront le droit à une nouvelle chance. Or, la vie prend des chemins parfois longs et tortueux, et c’est en ayant conscience de ne jamais voir le résultat de certains de ses ensemensages que D’Guéba s’active à offrir cette chance. Comme une leçon, une leçon de vie, elle nous apprend à planter des graines et à espérer pour d’autres que nous.

Conclusion

   Un space opera sous forme de sauts de lune en planète pour diverses missions, des personnages attachants qui alternent avec pertinence leur point de vue, des réflexions qui permettent de remettre en perspective la beauté de la vie. En somme, un très joli voyage parmi les étoiles. 😉

Prêt à embarquer sur Koba pour débusquer de nouveaux mondes ? 😉

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Un aperçu d’ailleurs sur

La débusqueuse de mondes ?

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N’hésitez pas à faire un tour sur les autres blogs de critiques littéraires pour vous faire un meilleur avis sur le sujet. 😉

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18 réflexions sur “[Chronique Littéraire] La Débusqueuse de Mondes, Luce Basseterre

  1. Antios dit :

    Comme Symphonie, je n’ai jamais lu de space opéra. Par contre, je ne connaissais pas l’auteure.

    Ta critique est particulièrement alléchante, surtout qu’il semble se dégager une certaine quiétude de ce livre, un voyage sans doute très beau d’après ce que tu en dis. C’est tentant !

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    • bulledeleyna dit :

      Je pense que c’est vraiment un livre à lire.
      Je ne dirais pas que quiétude est le terme adéquat (pas du tout même), mais par rapport aux autres space operas que je connais, il s’oriente vers la découverte scientifique des planètes à terraformer et celle plus humaine des peuples qui en font la demande/qui les habitent (avec les intrigues politiques qui en découlent, donc il y a quand même de l’agitation). Il n’y a pas autant cet aspect ultra militarisé, ces grandes luttes armées, ces planètes obscures où tout cherche à te dévorer et où la moitié de l’expédition est décimée. Cela peut être fascinant et dangereux comme se promener dans une jungle, il y a des conflits entre peuples, mais tout garde un niveau humain. 🙂

      Aimé par 1 personne

  2. Sébastien dit :

    Un univers entier à explorer avec des biotopes originaux de partout :o.
    Voilà encore une belle aventure à lire… Écrite par une auteure dont le nom prédestinait à la recherche de nouvelles terres…

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  3. Luce Basseterre dit :

    Bonjour, je ne découvre qu’aujourd’hui votre chronique et je voulais vous en remercier, car ça fait toujours rudement plaisir de voir que ce qu’on a voulu faire passer atteint parfois son but. Surtout que je travaille actuellement sur une préquelle de ce bébé 😉

    Aimé par 2 personnes

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