[Chronique Littéraire] Sorcières Associées, Alex Evans

   Cela fait un petit moment que je n’ai pas fait de chronique littéraire. Pour deux raisons : le manque de temps bien entendu, mais aussi un besoin plus personnel de parler d’ouvrages moins connus afin de les faire connaître. De plus, je pensais faire une critique plus structurée afin que vous puissiez mieux vous y retrouver dans les différents points que je pourrais soulever. Bien entendu, qui dit critique dit subjectivité, j’invite donc toujours les gens à se faire leur propre opinion en lisant eux-mêmes les livres cités.

   Bref, j’ai décidé de faire un galop d’essai avec le dernier livre lu, issu d’une maison d’édition plutôt importante, en attendant de m’attaquer à des ouvrages plus discrets : Sorcières Associées, d’Alex Evans (Actusf).

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FICHE TECHNIQUE

 

  • Titre : Sorcières Associées60106
  • Auteur/Autrice : Alex Evans
  • Illustrateur/Illustratrice : Sébastien Caiveau
  • Édition : Actusf
  • Collection : Bad Wolf
  • Genre : Fantasy, Steampunk
  • Public : Adulte
  • Cycle : Oui (1/?)
  • Pages : 296
  • Parution : Février 2017
  • Langue : Français
  • Format : Numérique – Papier
  • Prix :  5,99 euros – 18 euros
  • ISBN : 978-2366298321
  • Lien : Actusf: Sorcières Associées

 

Résumé : Dans la cité millénaire de Jarta, la magie refait surface à tous les coins de rue. Les maisons closes sont tenues par des succubes, les cimetières grouillent de goules… Pour Tanit et Padmé, sorcières associées, le travail ne manque pas.
   Mais voilà qu’un vampire sollicite leur aide après avoir été envoûté par un inconnu, tandis que d’étranges incidents surviennent dans une usine dont les ouvriers sont des zombies… Tanit et Padmé pensaient mener des enquêtes de routine, mais leurs découvertes vont les entraîner bien au-delà de ce qu’elles imaginaient. En effet, à Jarta, les créatures de l’ombre ne sont pas les plus dangereuses…

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MON AVIS

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Couverture et Accroche

   La couverture par Sébastien Caiveau est très attrayante, elle parvient à mélanger les deux aspects du récit, l’ambiance steampunk et l’aspect surnaturel de la magie. La couleur bleutée en opposition avec le traditionnel doré/cuivré typique des codes « rouages et vapeur » adoucie le visuel et le rend unique au milieu de ses semblables (plus rouille et métal, donc).

   La quatrième de couverture remplie son office, elle pose suffisamment d’éléments pour intriguer et correspond bien à la lecture effectuée. Rien à dire, donc, à ce sujet.

 

Prose et Structure

   Le texte est écrit à la première personne et suit le point de vue alterné des deux protagonistes du livre, les sorcières Padmé et Tanit. Pas d’inquiétude à avoir, l’ouvrage, découpé en chapitre, signale au début de chaque passage qui parle grâce à son nom écrit en toute lettre, mais aussi un petit logo stylisé propre à chacune que j’ai trouvé sympathique. Pour ma part, étant habituée à lire des ouvrages avec une alternance plus importante de points de vue, je n’ai pas été gênée par ce choix de narration.

   J’ai en revanche été moins convaincue par les voix propres à chacune. Si au début, j’ai pu penser que le caractère tranché et parfois opposé des sorcières joueraient énormément sur la narration, je me suis aperçue que ce n’était pas toujours le cas, notamment dans certains passages où il m’est arrivé de revenir en arrière pour vérifier le nom de la narratrice. J’ai aussi un peu tiqué lorsque les voix venaient parfois à s’inverser, surtout vers la fin. Ceci suggère pour moi que les personnages sont plus caractérisés par leurs expériences ressassées et leurs entourages spécifiques que par une voix propre, ce que je trouve dommage quand on use de la narration à la première personne.

   Concernant la plume de l’autrice, elle est fluide et agréable à lire. Dans la suite de ma précédente remarque, j’aurais apprécié un vocabulaire plus tranché entre Padmé et Tanit, mais j’ai relevé quelques tournures et autres jolies phrases qui m’ont parfois fait découvrir un nouvel usage de certains mots. Le gros point fort reste pour moi le rythme ; on n’a pas le temps de s’ennuyer.

 

Personnages et Narrateurs

   Les deux personnages principaux sont donc Padmé Amrithar et Tanit Murali. Autant dire qu’elles forment un tandem de caractères opposés et complémentaires, parfait pour tenir un cabinet de sorcières détectives.

    Padmé est une mère de famille, douce, diplomate et sérieuse. Elle élève seule sa fille depuis qu’elle a fui son pays natal et donne de sa personne dans un hôpital pour les plus démunis. C’est une femme un peu stricte, respectueuse des protocoles et notamment des lois qui entourent l’usage du Pouvoir, la magie de ce monde. Dans le cadre de son travail, elle préfère user de ruse et diplomatie pour obtenir ses renseignements.

   Tanit est à l’inverse une tête brûlée. Ancienne voleuse et espionne pour le compte du gouvernement de son pays natal, elle n’a rien perdu de ses réflexes et de sa fougue, alternant ainsi entre les filatures discrètes et les combats musclés durant ses heures de détente (oui oui ^^). Plus directe que Padmé, elle se voit parfois rappelée à l’ordre par celle-ci, notamment sur son côté un peu vénal qui peut être dangereux dans le retour de bâton du Pouvoir (explication plus bas).

   Elles forment un bon duo, j’ai apprécié les suivre chacune leur tour et découvrir ce qui les a façonné par le passé. Contrairement à certaines critiques que j’ai pu lire, j’ai bien aimé que chacune d’elles s’impliquent dans les différentes affaires de leur cabinet, s’échangeant parfois les rôles et les pistes, afin de s’adapter à leur façon de faire, mais aussi à leur emploi du temps (elles ont une vie à côté après tout).

   Cassa et Onésime complètent le personnel du cabinet en tant qu’assistants des deux sorcières. Malheureusement, on apprend bien peu de choses sur eux, si ce n’est qu’ils sont particulièrement dévoués et capables d’aller au devant des dangers malgré leur inexpérience (inexpérience qui se traduit parfois par une insistance un peu trop prononcée sur la maladresse de Cassa par exemple, qui passe son temps à trébucher alors qu’elle est en filature). Après, on ne peut en 270 pages consacrer du temps à tout le monde, je le conçois.

    D’autres personnages secondaires viennent s’ajouter à la liste, notamment les clients du cabinet ou encore les collègues de leur cercle de sorciers. Pour les premiers, ils sont plutôt bien caractérisés, puisqu’on les retrouve régulièrement au cours de l’histoire. Les seconds apparaissent plus tardivement et finalement très peu, ce qui a joué en grande partie dans mon manque d’implication pour une certaine révélation (outre le fait que ça ne semblait pas non plus trop émouvoir la protagoniste).

   Certains personnages figurants, notamment créatures magiques ou personnes atypiques, apparaissent parfois comme un cheveux sur la soupe. En effet, j’ai trouvé l’intervention de certains un peu trop évidente, dans le sens où pour moi, les informations qu’ils apportent auraient dû être trouvées par les sorcières, compte tenu de leurs compétences. Au contraire, on apprend au final très peu de choses sur eux, sur les particularités de leur espèce ou de leur origine, ce que je trouve vraiment dommage, car j’aurais aimé en savoir plus.

 

Univers et Atmosphère

   L’ensemble de l’aventure se déroule à Jarta, une cité-état où l’argent fait loi. Comme promis, l’atmosphère décrit fait bien ressortir le côté steampunk de l’univers, notamment avec l’abondance de véhicules et d’automates en tout genre. C’est d’autant plus agréable qu’on se retrouve plongé dans une ville atypique, riche en patrimoines historiques et sombres secrets, en pleine mousson qui appesantie d’autant l’atmosphère lourd et moite. Malheureusement, ces divers éléments caractéristiques de Sorcières Associées ne sont pas toujours suffisamment décrits, si bien qu’à trop faire appel à mon imaginaire, j’en suis venue à simplement faire des équivalences avec ce qui existe déjà, d’autant que plusieurs termes y poussent (bicyclette, lampe-torche…). Or, cela a effrité quelque peu mon intérêt pour l’originalité des détails mécaniques (donc le côté steampunk), comme je pense avoir eu de (trop ?) grandes attentes en entamant le livre.

   Second point de l’univers à aborder, la géopolitique. Un aspect pas toujours évident à suivre, notamment à cause des multiples nationalités à retenir et l’évocation d’une succession des guerres dont on ne sait parfois plus le nombre et le lieu (il y en a eu, trois, quatre ? Celle-là, elle fait partie de quel conflit ?). Un autre aspect qui a fini par me gêner en rapport avec cela, c’est la caractérisation des différentes origines par leurs apparences. J’ai été surprise de voir qu’il suffisait de regarder un inconnu pour connaître son origine exacte, alors que je me vois mal faire systématiquement la distinction visuelle entre un Français, un Allemand ou un Américain. De même, une fois qu’on dépasse le stade visuel, on s’aperçoit que les protagonistes s’attendent à ce qu’ils répondent aux clichés de leurs origines (untel doit être vénal, untel doit être croyant, untel doit détester machin parce que leur pays étaient ennemis durant la guerre qu’ils n’ont jamais connu…). Pour moi, c’est un aspect qui n’est pas assez nuancé, d’autant plus dans une ville cosmopolite qui sous-entend un certain métissage, et donc un mélange des influences, des coutumes, et des couleurs de peau.

   J’ai gardé le meilleur pour la fin, l’aspect magique. Le Pouvoir, la magie de ce monde, est spécifique à certaines personnes, les sorciers, et est soumis à des lois strictes. La première d’entre elles, commune à beaucoup de magies, est la loi des équivalences. Tu prends, tu paies. Elle est rappelée plusieurs fois, notamment par Padmé qui a une peur bleue de se retrouver avec un retour de bâton en s’impliquant dans des affaires occultes. J’adore le principe. Mais… je ne l’ai pas vu suffisamment en application. A part les quelques fois où elles se disent sonnées par l’usage d’un sort plus puissant, la première loi est rarement utilisée (sauf à la fin). Or, puisqu’on m’en a beaucoup parlé, je pensais en avoir un aperçu plus vaste, notamment au quotidien, dans des affaires banales, qui justifient qu’on rappelle à quel point c’est dangereux. Là, à la façon dont se déroule la fin, je pense que ça montre surtout une affaire de croyance personnelle (comme on croit ou non au Karma).

 

Intrigues et Thématiques

   J’adore les enquêtes dans les univers fantaisistes, j’étais donc particulièrement contente de suivre deux sorcières enquêtant sur des faits occultes. Globalement, j’ai bien aimé le déroulement en parallèle de plusieurs affaires qui suit une logique ordinaire (dans le sens où on avance au fil des pistes et on change d’affaires en attendant que la première se décante un peu). J’ai cependant été un peu déçue par le manque de réactivité de Padmé et Tanit. J’ai trouvé qu’elles manquaient d’instinct, comme je me trouvais plusieurs fois à saisir immédiatement ce qu’elles-mêmes, pourtant formées à cela, mettaient du temps à comprendre. C’est ici que je reprends le point sur l’intérêt relatif de certains personnages pour apporter des informations,  comme je ne voyais pas pourquoi les deux sorcières n’y avaient pas pensé par elles-mêmes.

   De même, j’ai été amusée de relever immédiatement les intérêts « amoureux » de chacune, comme à chaque fois, aussitôt le personnage apparu, étaient glissés dans la description des détails qui ne trompent personne. Ce qui est étonnant, c’est qu’on le voit du point de vue interne des sorcières. Or, arrive toujours un moment où elles s’étonnent de l’intérêt qu’on a pour elles. Cela ne m’a pas empêché cependant d’apprécier les échanges avec ces fameux personnages qui, j’imagine, feraient un retour au casting s’il devait y avoir une suite.

 

Conclusion

   J’ai bien aimé ce livre. Je ne l’ai pas trouvé parfait, mais j’ai aimé le potentiel qui s’en dégage. L’univers est prometteur, les personnages intéressants et le principe d’enquête parfaitement à mon goût. Mais il manque encore pour moi de maturité, un peu comme s’il avait été un essai pour trouver le bon dosage entre la compréhension de l’univers, de ses mécanismes magiques et géopolitiques, de l’implication des différents personnages, du déroulement des diverses intrigues. Je peux dire que si la suite était écrite, j’y retournerais sans hésiter, car suffisamment d’éléments me plaisent et me laissent croire que ça ne pourrait être que meilleur avec un peu plus de temps pour tout exploiter à sa juste valeur.

   Pour celles et ceux qui apprécient les enquêtes, les sorcières et la narration alternée, je vous conseille de vous faire votre propre avis en vous procurant Sorcières Associées. 😉

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Un aperçu d’ailleurs sur

Sorcières Associées ?

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N’hésitez pas à faire un tour sur les autres blogs de critiques littéraires pour vous faire un meilleur avis sur le sujet. 😉

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11 réflexions sur “[Chronique Littéraire] Sorcières Associées, Alex Evans

  1. symphoniedescieux dit :

    Là, comme ça, j’avoue que ça ne me donne pas vraiment envie de l’ajouter à ma PAL, surtout que j’ai été un peu échaudée par le Paris des Merveilles de Pevel. Mais ce que tu en dis m’intéresse suffisamment pour que je le lise si j’en ai l’occasion 😀

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  2. antios dit :

    Ne pensant pas lire des livres de ce genre, j’avoue que ton commentaire titille un peu ma curiosité. Je n’ai jamais vraiment lu de livre dans cet univers.

    Pour ma part, je trouve ta forme de ta critique très claire et aérée. On lit le tout rapidement et on prend plaisir, donc c’est tout bon 🙂

    Peut-être que je me laisserai tenter par ce livre qui sait…

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  3. Nathalie Reynaud dit :

    Je suis d’accord avec Antios, c’est clair et aéré, la preuve, c’est que j’ai lu jusqu’au bout (oui, je sais, un exploit pour moi qui n’arrive plus à fixer mon attention sur les écrits, quels qu’ils soient !) donc moi non plus je n’ai jamais lu de livres dans cet univers, et ta critique donne envie de découvrir cela. Bravo Eleyna, continue !

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  4. Zina dit :

    J’ai trouvé aussi qu’elles n’étaient pas de très bonnes enquêtrices, mais comme elles le disent elles-même au début, ce n’est pas leur job 🙂
    Ca ne m’a pas empêché de passer un bon moment, et j’ai aimé le dépaysement apporté par l’univers.
    Merci pour le lien 🙂

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