[Chronique Littéraire] L’Echiquier de Jade, Alex Evans

   Après avoir découvert il y a plus d’un an ce monde de steampunk fantasy dans Sorcières Associées, je vous invite à explorer de nouveau la ville de Jarta avec L’Echiquier de Jade, d’Alex Evans (Actusf).

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FICHE TECHNIQUE

 

  • Titre : L’Echiquier de Jade65336-w300
  • Auteur/Autrice : Alex Evans
  • Illustrateur/Illustratrice : Sébastien Caiveau
  • Édition : Actusf
  • Collection : Bad Wolf
  • Genre : Fantasy, Steampunk
  • Public : Adulte
  • Cycle : Oui (2/?)
  • Pages : 300
  • Parution : mai 2018
  • Langue : Français
  • Format : Numérique – Broché
  • Prix :  5,99 euros – 18 euros
  • ISBN : 978-2-36629-881-9
  • Lien : Actusf : L’Echiquier de Jade

Résumé : Tanit et Padmé, sorcières associées, ont du pain sur la planche : la confusion règne dans la cité millénaire de Jarta. En pleine période électorale, le gouvernement s’apprête à accueillir une délégation diplomatique de la plus haute importance. Mais des démons surgis à l’improviste sèment la terreur, tandis qu’un antique échiquier disparaît mystérieusement du palais du Consul. Membres d’une secte sinistre, médium étrange et nécromant renégat, tous semblent être à sa recherche. Tandis que leur enquête se révèle de plus en plus dangereuse, les deux sorcières s’interrogent… Quel secret cache l’échiquier de jade ?

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MON AVIS

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Lu dans le cadre du Challenge Littérature de l’Imaginaire.

Lu dans le cadre du Printemps de l’Imaginaire Francophone.

Pour mon avis sur le tome 1, c’est par ici.

 

Couverture et Accroche

   Étonnamment, je m’aperçois que pour certaines maisons d’édition, il n’est pas nécessaire d’indiquer le nom des illustrateurs sur le format ebook. Ce n’est pas parce qu’on ne possède pas la version papier qu’on ne veut pas savoir qui fait les jolies couvertures, n’est-ce pas ? Heureusement, je connais le nom de l’illustrateur de L’Échiquier de Jade, Sébastien Caiveau, qui avait déjà illustré le précédent tome. Je suis toujours aussi séduite par l’ambiance qui ressort de cette couverture, entre le steampunk présent dans les engrenages et le choix de police, et l’aspect exotique qui découle du choix des couleurs et des figures présentées. Ici, le dragon oriental et la fleur de lotus indique que Jarta est une cité d’inspiration plutôt asiatique. De même, le fond un peu fantasmagorique rappelle le rapport à la magie très particulier de l’univers d’Alex Evans. Personnellement, j’adhère.

   Comme le premier tome n’a pas été vendu comme un début de cycle, le résumé s’empresse de rappeler que ce livre est bien la suite de Sorcières Associées. Bien que le livre puisse se lire seul, l’aventure s’offre après tout une nouvelle intrigue. Et celle-ci est plutôt attrayante. Assez friande d’enquêtes dans le milieu magique, j’étais assez enthousiaste à l’idée de partir en quête d’un vieil échiquier et de courser des démons. Et ma foi, le résumé colle très bien au contenu.

 

Prose et Structure

   Comme dans Sorcières Associées, nous retrouvons une narration à la première personne qui alterne entre le point de vue de Tanit et de Padmé. Les petits logos stylisés pour les différenciés sont toujours présents, bien que le découpage soit fait de telle façon que chaque chapitre correspond à un point de vue (à l’exception d’un chapitre vers la fin). Peu de risque de s’y perdre donc, d’autant que contrairement au premier tome, la différence de registre est bien plus présente, avec une Padmé au vocabulaire « urbain » comme dit l’autrice (poli donc), et une Tanit au langage plus familier, voire grossier. Un bon point à mon sens, car on perçoit davantage la différence de tempérament entre les deux sorcières.

   Chose un peu surprenante, si la voix propre des deux protagonistes s’est améliorée, le rythme à l’inverse m’a moins convaincue. Certes, dans le premier tome, il était courant de s’y perdre entre les différents peuples tout juste mentionnés. Mais ici s’ajoutent de longs passages descriptifs qui s’intègrent rarement à la narration. Souvent la protagoniste s’arrête pour contempler un paysage et palabrer intérieurement sur un point particulier de l’univers. Ce n’est pas forcément gênant, le processus est juste un peu redondant à mon goût.

   A noter la présence de flash-back qui sont loin d’être anecdotiques et se déroulent sur plusieurs chapitres. Pour contourner le problème d’une narration au plus-que-parfait sur plusieurs pages, la protagoniste plonge immédiatement dans son souvenir au passé simple (temps de la narration, donc). Cela peut donner une étrange impression lorsqu’on revient au présent du récit lors du chapitre suivant, sans que rien ne vienne annoncer le changement d’époque. Bref, si vous êtes du genre peu attentif, ne soyez pas étonnés si vous finissez dans un temple en ruine dans un chapitre, pour revenir en cœur de ville dans le suivant. ^^

 

Personnages et Narrateurs

  C’est assez plaisant de retrouver le duo de sorcières aux caractères dissociables et complémentaires.

   Padmé Amrithar est toujours la voix de la diplomatie et de la politesse de ce binôme. Si elle s’agace souvent de certains aspects de sa ville d’adoption, comme un manque de considération pour les sorciers ou une volonté ostensible du gouvernement à ne pas débourser un centime pour payer les services nécessaires à la police municipale, elle tient le plus souvent un discours posé et cherche à trouver le meilleur compromis sans avoir à user de violence ou de ses talents magiques. Elle reste une mère un poil surprotectrice et résiste encore et toujours à l’envahisseur à son galant qui ne recule devant rien pour la charmer (bon en vrai, c’es sur la bonne voie ^^).

   Tanit Murali acquière une voix qui lui est propre dans ce tome, en usant d’un vocabulaire davantage marqué. Portée sur l’action, elle court souvent les rues, et notamment les coins les plus mal famés, ce qui explique sa gouaille de petites frappes. Elle est un peu vénale et s’effraie assez rarement, deux caractéristiques qui la mette souvent en danger. Heureusement qu’elle a elle aussi un valeureux chevalier sicaire pour lui porter assistance en cas de situation désespérée.

   Oui, je suis un peu critique sur l’aspect romantique de leur relation. Enfin, pas tant la romance que la notion de l’homme qui protège la femme même quand ce n’est clairement pas son domaine de compétence (ou que ça fait un peu Deus ex Machina). Par contre, je reconnais avoir apprécié les flash-back qui donne une meilleure perception de leur évolution personnelle. Chacune d’elles décrit une période clef de sa vie, ce moment où elles ont découvert leur potentiel magique (pas spécialement dans la joie et la bonne humeur). Ce sont des souvenirs assez douloureux qui permettent de mieux comprendre leur rapport à la magie et aux démons.

   Les personnages secondaires sont assez nombreux. Je dois dire n’avoir retenu aucune caractéristique qui me permette de différencier leurs collègues magiques (déjà que les noms sont semblables et attribuables aussi bien à un homme qu’une femme). Je sais qu’une des sorcières est vénale (oui, encore), mais globalement, ça manque un peu de caractérisation autre qu’un état éphémère (genre untel qui est blessé durant la bataille).

   On retrouve d’autres personnages du précédent tome comme Rahul, le prétendant de Padmé, et le Frelon, celui de Tanit. Si l’intrigue peut se suivre sans avoir lu le premier tome, ces personnages au contraire ne peuvent parfaitement s’appréhender sans avoir lu Sorcières Associées. En effet, ils ne sont présents qu’en tant qu’intérêt amoureux protecteur, si bien qu’on perçoit moins leurs qualités personnelles (même s’ils ont toujours un charme qui leur est propre).

    Parmi les nouveaux venus, nous retrouvons notamment une délégation yartégienne avec à sa tête l’Ambassadrice Astarté que l’on voit malheureusement assez peu (petit clin d’œil à une certaine Daenerys dans la présentation de son nom à rallonge ^^). On croise aussi des nécromants, des médiums, des jeunes filles éplorées ou des expatriés yartégiens mécontents de voir leurs anciens bourreaux à Jarta. Bref, il y a du monde, mais la plupart ne sont que de passage dans l’histoire.

 

Univers et Atmosphère

   Nous sommes toujours dans la ville de Jarta, cité-état libre qui prône la réussite financière et qui s’ancre dans une ambiance steampunk orientale. Dans ce tome, les mentions à l’usage de la mécanique sont davantage présents, notamment à travers les différents moyens de transports. Si les dénominations sont nombreuses, tous les véhicules, notamment aériens ne sont pas vraiment décrits. On retrouve néanmoins des aéronefs de types montgolfières, des vaisseaux cuirassés couvert de métal, des autotractrices sans chauffeur. Il est aussi plus largement fait mention d’automates, du plus décoratif comme celui qui chante sur un piédestal au milieu de la rue, aux plus dangereux comme les sentinelles yartégiennes qui gardent le vaisseau de l’Ambassadrice. On y mentionne aussi des armes à feu et rapidement de nouvelles formes d’énergie, tel que l’électromagnétisme, mais globalement, ça reste moins pointu qu’un univers steampunk traditionnel.

   Car si le steampunk est un élément important, il se marie à la magie et doit composer avec des notions moins rationnelles. Il y a bien sûr le Pouvoir, cette magie que les sorciers peuvent utiliser, sous réserve d’accepter le prix au sein de la balance karmique. En effet, chaque acte qui modifie les lois naturelles doit être payé par le sorcier à équivalence mais sans jamais savoir quand. Ainsi, on peut brûler un adversaire un jour, et se renverser une bouilloire brûlante sur les mains le lendemain. Les protagonistes utilisent cependant assez peu leur pouvoir dans ce tome, ou du moins pas directement, et passent plus souvent par l’usage de rituels ou d’objets magiques. Ceci s’explique notamment par l’apparition de démons. Ce terme, assez connoté dans notre imaginaire, comprend ici toute créature qui n’appartiendrait pas au monde des protagonistes et qui aurait traversé une faille ou été invoqué. Créatures plus proches d’animaux que d’entités diaboliques, elles attaquent principalement par peur ou parce qu’on les y contraint. Un point de vue intéressant qui change du traditionnel envahisseur désireux de tuer les humains. Dommage toutefois qu’on ne comprenne pas pourquoi aucune d’elles n’est sensible aux armes humaines alors qu’on parle de créatures très distinctes.

   L’aspect géopolitique est toujours un peu complexe à suivre. On y mentionne une foultitude de nations et de peuples, sans toujours savoir à quoi ça correspond. On en apprend néanmoins un peu pus sur les Atlantes, ancien peuple aux compétences exceptionnelles dont descendent les Yartégiens. Ces derniers ont le droit à de plus amples explications sur leur physionomie, leur gouvernement ou leurs idéologies, ce qui permet de caractériser plus facilement ce peuple autarcique. On mentionne aussi la guerre qui oppose les pays d’origine des deux sorcières, ou encore les fameux Nordistes, inspirés des Européens qui détestent prendre un bain. Mais globalement, les autres sont des mots lancés au détour d’une phrase.

 

Intrigues et Thématiques

   Alors que Tanit est en congé sur un paquebot-casino, Padmé la remplace dans une réunion qui doit enseigner à ses collègues les bases de la chasse aux démons. Cela tombe bien, l’un d’eux circule dans les bas-quartiers de Jarta. Tant bien que mal, les sorciers parviennent à abattre la créature, mais cela ne fait qu’attiser les questionnements. D’où venait cette créature que plus personne ne sait invoquer ? Cela a-t-il un lien avec la délégation yartégienne, qui n’a pas quitté son territoire autarcique depuis des décennies ? Ou avec cet échiquier de Jade qui a disparu dans le bureau du Consul et qu’on somme à Tanit et Padmé de retrouver ?

   J’avoue avoir commencé le livre en me disant « comme par hasard ! ». Comme par hasard, un événement qui se produit une fois tous les dix ans survient le jour où la protagoniste en parle. Heureusement, passer cette ficelle un peu artificielle, on se retrouve avec une alternance d’événements qui rappelle celle du premier tome. Les deux sorcières se partagent les tâches pour des raisons pas toujours justifiées (Padmé se plaint de ne pas avoir de temps, alors qu’elle se balade en ville avec sa fille ou va boire une tasse de thé… j’ai connu des héros qui n’avait vraiment pas le temps pour les loisirs), mais globalement, ça avance bien. Tanit est la plus active des deux, sans surprise. Padmé apprend davantage d’informations par hasard (ou parce qu’on vient la tirer de son lit). Le tout se recoupe bien, même si certains personnages « popent » un peu au pire moment.

   On sent une volonté de s’attaquer davantage à l’aspect politique de l’univers. Mais en si peu de temps, avec si peu d’informations sur un monde ravagé par les guerres, difficile de vraiment comprendre les enjeux. On sait seulement que les Yartégiens, par leur héritage atlante, ont beaucoup à offrir au monde et qu’un accord commercial avec ce pays autarcique serait une véritable bénédiction pour Jarta. Problème, les Yartagiens ne sont pas très philanthropes, sauf le héraut, incroyablement bavard et capable de donner tous les détails sur la sécurité de leur vaisseau (celui-là, j’ai toujours pas compris pourquoi il avait encore la tête sur les épaules). A mon sens, cela manque encore de maîtrise sur le sujet.

 

Conclusion

   Ce second tome dans l’univers de Sorcières Associées a l’avantage de soigner quelques défauts du premier volet. Ainsi, les deux sorcières Tanit et Padmé ont une voix qui leur est davantage propre, avec un registre de langue plus accentué. De même que l’autrice prend le temps de décrire plus en détails son univers, un peu trop parfois, comme elle met en pause l’action pour dévoiler les beautés de Jarta ou les informations nécessaires à la compréhension du lecteur. Si l’intrigue suit toujours plusieurs enquêtes qui auront tendance à se recouper, on a aussi le droit à un meilleur aperçu de la situation géopolitique. Dommage finalement que cela manque un peu de surprise. Peut-être le dosage sera-t-il le bon dans un prochain tome ?

 

Qui veut rejoindre Padmé et Tanit dans une nouvelle enquête ? 🙂

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