[Ecriture] La bêta-lecture en quelques clichés #1 : Les bêta-lecteurs

   Aujourd’hui, j’avais envie de vous parlez d’une étape importante pour un projet d’écriture que l’on désire le plus abouti possible : la bêta-lecture. Je ne vais pas vous expliquer ce qu’est une bonne bêta-lecture et comment la pratiquer, de nombreux articles sur la toile le font déjà (de plus, cela reste, comme pour beaucoup de choses, assez subjectif). Non, comme à mon habitude, j’ai préféré prendre le sujet sous un autre angle et vous faire découvrir un petit florilège des habitudes plus ou moins utiles de certains bêta-lecteurs.

 

Qu’est-ce que la bêta-lecture ?

Lecture, Éducation, Bien Lire, Livre

   Pour expliquer rapidement afin que tout le monde comprenne de quoi il est question, la bêta-lecture est une étape de correction dans un projet d’écriture. Plus précisément, il s’agit de demander son avis à une personne dotée d’un regard extérieur neutre, de préférence qui aime lire, qui a quelques compétences grammaticales et qui n’a pas peur de vous dire ce qu’elle pense (on exclut donc les proches le plus souvent). Cette personne va lire une version aboutie de l’histoire (je le précise, elle n’a pas vocation à aider dans l’écriture même de l’intrigue) et aider l’auteur à améliorer certains points sur lesquels il serait passé à côté. Outre corriger les fautes et autres erreurs de frappes, il s’agira surtout d’avoir un regard critique sur le récit, notamment sur la progression de l’intrigue, la cohérence de l’univers ou encore l’empathie pour les personnages. Bref, un bêta-lecteur ou une bêta-lectrice, c’est un second avis pour l’auteur qui travaille souvent seul et qui a parfois du mal à prendre du recul.

   Pour plus d’informations sur le sujet et notamment des conseils pour choisir son bêta-lecteur ou bien bêta-lire, je vous laisse chercher sur la toile, il y a une multitude d’articles qui le traitent en détails.

   Mais alors de quoi allons-nous parler ? De « clichés ». Oui, comme pour tout, la bêta-lecture possède ses propres clichés, au sens d’idées préconçues simplistes et rigides que certains s’efforcent d’appliquer sans discernement. Une fois n’est pas coutume, je précise qu’il s’agit de mon expérience et de celle de mes collègues d’écriture, et que par conséquent, la bulle que je vous souffle a son lot de subjectivité. 😉

   Dans le premier volet de cette triple bulle, je voulais vous présenter des profils de bêta-lecteur/bêta-lectrice (je pense qu’on a compris que je parlais de tout le monde, peu importe le sexe, l’âge ou la planète d’origine), et plus particulièrement de ces bêta-lecteurs qui ne savent pas toujours faire la part des choses. Ceci permettra à chacun d’entre vous de mieux comprendre ces anecdotes de bêta-lecture que vous retrouverez dans les deux dernières parties.

 

Les profils de bêta-lecteur

Avatar, Clients, Clientèle, Icônes

   Je vais faire la distinction entre deux types de bêta-lecteurs, le lecteur et l’auteur. Car oui, il y a une différence entre les deux, et contrairement à ce qu’on pourrait croire, l’un n’est pas plus apte à commenter que l’autre. En vérité, tout dépend de la personne et de sa capacité à analyser sans s’accaparer le travail de l’auteur.

    Je vous rassure, nous passons pratiquement tous par l’un des profils cités lorsque nous apprenons à commenter une oeuvre. Par manque d’expérience, il est facile de faire preuve de maladresse lors d’une bêta-lecture. L’important est de savoir prendre un peu de distance avec soi-même afin d’adapter et réévaluer sa méthode d’analyse. Et oui, tout s’apprend et tout se travaille. 🙂

 

check-305228_960_720Le lecteur

   Un lecteur qui n’écrit pas est comme un spectateur qui regarde un film. Il ne sait pas forcément tout le travail qu’il y a derrière, il ne connait pas la souffrance, les larmes et la sueur versées pour aboutir à un résultat présentable. Il juge bien souvent sur le produit fini et c’est après tout, la seule chose qu’on lui demande. La conséquence de ce point de vue, extérieur au processus créatif, peut se ressentir dans le type d’avis qu’on peut recevoir d’un tel bêta-lecteur. Si la plupart sont pertinents et usent de toute leur sensibilité de lecteur accompli pour vous aider, certains cependant sont plus difficiles à gérer (mais rarement malveillants 🙂 ).

frame-2790558__340   Ainsi, il y a notamment le lecteur qui ne sait pas quoi dire. Il aime, il adore, il est en admiration, ou bien au contraire, il déteste, il hait, il exècre… Mais il sera bien incapable de vous dire pourquoi, voire même où et comment (sous-entendu, retrouver la scène, le personnage, l’anecdote, la phrase qui lui a fait cet effet). Il est possible dans ces cas-là d’orienter l’échange afin d’obtenir un avis plus élaboré, mais souvent, ce qui clochera pour la personne vous restera parfaitement obscur. Tout comme ce qui fait qu’il adore votre livre demeurera une recette miracle inaccessible à votre cœur d’auteur en quête de gloire. Soyez néanmoins rassurés, ce type de lecteur apprend généralement à trouver les mots au fur et à mesure de ses lectures et de ses critiques (d’ailleurs, nous sommes relativement nombreux à passer par cette étape durant notre jeunesse 😉 ).

frame-2790558__340   Le second cas que l’on peut rencontrer, c’est le lecteur comparateur. Celui qui ne peut s’empêcher de comparer votre histoire à tout ce qu’il a déjà pu lire. Là encore, c’est en bien ou mal, mais au moins, vous avez une base pour vous aider à comprendre ce qui, selon lui, va ou non. Ce comparatif se fait plus souvent sur le fond que la forme, d’ailleurs, la forme est généralement plus secondaire pour un lecteur qu’un auteur. Il n’empêche, on le sait tous, c’est assez énervant d’entendre dire à chaque élément de l’histoire que celui-ci existe déjà dans tel ou tel ouvrage (parfois inconnu de l’auteur, d’où l’intérêt de ne pas toujours y voir du plagiat/hommage). Même si cela part d’un bon sentiment, il vaut parfois mieux ne pas trop chercher d’équivalences ailleurs (sachez qu’être comparé à un auteur célèbre fait plaisir, mais être reconnu pour ses propres qualités est encore plus gratifiant).

frame-2790558__340   Dernier lecteur que je vous présenterai, le lecteur accapareur. Celui-ci s’apparente un peu aux fans de célèbres œuvres littéraires ou audiovisuelles. Vous savez, ceux qui adorent tellement un personnage, un lieu, ou une petite bestiole, qu’ils font des pieds et des mains pour le faire revenir au prochain tome/film. Ils vont même jusqu’à faire des pétitions pour ressusciter de pauvres protagonistes décédés ou encore modifier la fin d’une oeuvre. Le problème avec ce type de lecteur, c’est qu’il va vous faire des demandes de fan-services en contradiction avec votre volonté de faire avancer l’histoire sur tel chemin. Lui estime que Machin devrait apparaître plus souvent car il est drôle, vous vouliez le tuer pour donner une raison à votre protagoniste d’agir. Oui, il y a comme qui dirait un dilemme entre le plaisir du lecteur et les besoins de l’auteur, et certains n’acceptent pas toujours qu’on refuse de se plier à leur demande larmoyante de fan de la première heure (on les aime pourtant, mais pas à ce point 😉 ). Parfois cher lecteur, il faut savoir laisser partir un personnage (ou une saga en x trilogies, suivez mon regard :/ ).

   Bien évidemment, vous tomberez plus souvent sur le lecteur qui saura vous faire des remarques pertinentes (surtout dans un processus de bêta-lecture avancée ou les personnes sont plus habituées à ce type d’activité). Il est même souvent plus utile sur certains points de l’analyse de fond qu’un bêta-lecteur auteur, car comme le spectateur d’un film, il s’attachera à l’effet produit, plutôt qu’au moyen pour aboutir à cet effet.

 

check-305228_960_720L’auteur

   L’auteur a lui aussi une passion pour l’écriture. Il est comme vous, réalisateur, producteur et scénariste de son histoire, il connaît les ficelles et c’est souvent pour cela qu’on estime légitime d’aller demander l’avis à l’un ou l’une de ses collègues de forums ou autres plateformes dédiées à l’écriture. Légitime, oui. Pertinent, pas toujours. Pourquoi ? Parce qu’un auteur est un être humain doté parfois d’un besoin de reconnaissance vis-à-vis de son art. Et un être humain avec un tel état d’esprit peut ne pas savoir toujours parfaitement se contrôler.

 frame-2790558__340  Le profil le plus courant, selon moi, est l’auteur professeur de français. Celui qui se contentera de corriger vos fautes et de vous interpeller sur la moindre structure de phrase qui ne lui convient pas (oui, je ne dis pas « qui n’est pas correcte », mais bien « qui ne lui convient pas »). Il restera totalement indifférent à vos appels à l’aide concernant le fond (alors que vous aviez pourtant précisé que c’était le point qui vous intéressait en priorité), se fendant généralement de quelques remarques sur le style qui, bien sûr, n’est pas aussi bon que le sien (c’est lui le prof après tout 😉 ). Bien utile quant à la technicité de votre projet, mais pas toujours pertinent sur les points qui vous tiennent à cœur, en l’occurrence. A noter que comme le cas du lecteur, ce profil chez un jeune auteur peut être le témoignage d’une incertitude quant à ce qui peut être considéré comme pertinent (la forme étant plus facile à analyser que le fond pour beaucoup de personnes). Ne pas hésiter dans ce cas à poser des questions à la personne pour orienter ses commentaires.

 frame-2790558__340  Vous pouvez aussi retrouver l’auteur accapareur. Celui qui fonctionne au « moi, j’aurais fait comme ça » ou « je sais que c’est ton style, mais je pense que ». Sur le principe, c’est tout à son honneur de vouloir vous aider en se prenant comme exemple (qu’il estimera d’autant plus légitime s’il est publié et vous non). Oui mais voilà, vous n’êtes pas lui, et il n’est pas vous. S’il peut vous faire part de sa sensibilité sur certains sujets et de ses connaissances techniques sur d’autres, il ne peut vous imposer son point de vue sur ce qui relève du subjectif. Or parfois, il est difficile de faire comprendre à un tel bêta-lecteur que vous ne vous plierez pas à son avis sous le seul prétexte qu’il est auteur (et publié). Quoi qu’on en dise, vous êtes toujours maître de votre navire.

frame-2790558__340   Dans la même veine, vous pouvez tomber en de rares exceptions sur l’auteur démiurge. Celui qui sait tout, en particulier sur la forme (à quel diable vous-êtes vous donnés pour avoir osé user d’une tel terme dans votre phrase !), mais aussi sur le fond (parce que c’est comme ça et pas autrement !). A la différence de l’accapareur, il ne dit pas que lui ferait ainsi. Non, c’est ainsi ! C’est inscrit dans les lois immuables du saint livre des écrivains ! Rien ni personne ne peut les outrepasser sous peine d’encourir les foudres éternelles du démiurge tout puissant ! Vous l’aurez compris, avec un tel bêta-lecteur, inutile de chercher à discuter, il a raison, vous avez tort. Point.

   Bien entendu, un bêta-lecteur auteur saura mieux qu’un simple lecteur vous aider sur les ficelles qui tendent votre intrigue ou qui inspirent la compassion pour un personnage. De même qu’il est toujours bon de garder en tête les remarques sur la forme d’un auteur publié ou non. Après tout, peut-être cela vous sera-t-il utile une autre fois. En tous les cas, un auteur qui sait se différencier du processus de bêta-lecture, qui sait tenir son ego en dehors de l’analyse qu’il fait du texte des autres, sera généralement un meilleur bêta-lecteur. Encore faut-il trouver quelqu’un qui possède cette qualité de détachement (quand on est bêta-lecteur, on travaille pour l’autre, pas pour soi). 😉

 

Savoir faire la part des choses

Papier, Romance, Symbole, Saint Valentin

   On dit souvent à un auteur bêta-lu de savoir faire le tri dans les critiques, de ne pas les prendre personnellement et d’accepter ses imperfections (personne ne peut produire un ouvrage parfait). Bien évidemment, il est toujours douloureux de se remettre en question et d’accepter de remettre sur l’ouvrage ce projet que vous avez pourtant passé des heures à parfaire. Bien sûr, il faut savoir écouter les autres, reconnaître que vos idées ne sont pas toujours bonnes ou que vous ne connaissez pas toutes les règles et les lois universelles. Certes, tout cela est vrai.

   Mais il serait bon de rappeler aux bêta-lecteurs que cette leçon s’applique aussi à eux. Un bêta-lecteur est une aide, un avis. Il est certes bien aimable de vous assister, mais cela ne lui donne pas pour autant le droit de vous commander un ouvrage à l’image de ce que lui désire. Un bêta-lecteur n’est pas objectif, personne ne l’est. Au-delà des règles de la langue française qu’il nous faut tous respecter, au-delà des codes littéraires à appréhender, des éléments de constructions et des fils rouges à suivre, au-delà de tout cela, il y a le vaste monde de la subjectivité, habité par les goûts, les avis, les connaissances, les préjugés… Et dans ce monde, il n’existe aucun accord parfait. Il faut juste savoir accepter que notre vision de ce qu’il est diffère d’un individu à l’autre et que cela se retrouve aussi dans l’écriture. Que l’on soit auteur ou simple lecteur, on peut aider à parfaire une oeuvre selon les normes de celui qui la façonne, non à la transfigurer à l’image de ce qui devrait être notre propre perfection.

   Pour finir, je conclurais cette première partie par une phrase utilisée pour un autre sujet, mais que je trouvais appropriée pour la circonstance.

« L’évidence n’existe que dans la tête de celui qui croit tout savoir. »

   Dans la prochaine bulle, nous rentrerons dans le vif du sujet en parlant d’anecdotes récurrentes de bêta-lecture. N’hésitez pas à me laisser un commentaire, si ces profils de bêta-lecteurs un peu trop entreprenants vous parle. 😉

Bonnes fêtes à tous. 🙂

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9 réflexions sur “[Ecriture] La bêta-lecture en quelques clichés #1 : Les bêta-lecteurs

  1. symphoniedescieux dit :

    Ah, j’en ai rencontré quelques uns^^
    Par contre, j’ai eu un « lecteur accaparateur » une fois qui m’a rendu un bon service. Elle adorait un personnage qui mourait pourtant assez vite, et comme à l’époque j’écrivais surtout pour le fun, j’ai trouvé un moyen de lui donner un rôle plus important pour lui faire plaisir. Au final, l’évolution du rôle de ce perso m’a permis de développer… disons la majorité de l’intrigue.

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    • bulledeleyna dit :

      Bien entendu, je ne dis pas que tous les conseils de ce type de bêta-lecteurs sont mauvais à prendre, au contraire. Mais c’est quand l’appropriation de l’oeuvre par le bêta-lecteur va trop loin que cela devient gênant et qu’il n’est généralement plus possible de discuter par la suite (un seul refus est vu comme un refus définitif sur l’ensemble des commentaires). Je voulais dire que l’ego ne se trouvait pas que du côté de l’auteur et que le bêta-lecteur peut avoir lui aussi ses moments « d’évidence » qu’il lui faut absolument appliquer. Or, même si on fait appel à lui pour une relecture, l’oeuvre demeure celle de l’auteur (et l’auteur a le droit de faire des choix que d’autres peuvent qualifier de « mauvais). 😉

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      • bulledeleyna dit :

        C’est cela. D’ailleurs, en parlant d’échange, là où ce syndrome « accapareur » est le plus gênant, c’est bien sur les retours d’AT, puisqu’il y a impossibilité de répondre à celui qui a jugé la nouvelle. Or, certains manquent vraiment de tact et donnent parfois l’impression de vouloir totalement modifier l’oeuvre sous leur propre angle créatif (donc sur les aspects subjectifs, non en forme de suggestion, mais bien d’obligation). Dans ce cas, je trouve que la personne ne fait pas du tout son travail d’aide.

        Soit dit en passant, je préfère les gens qui proposent plusieurs pistes de réflexions pour un même problème, ça montre qu’ils comprennent qu’il n’y a pas qu’une seule façon de créer, conter et lire une histoire.

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  2. Les conseils de Ponine dit :

    Ce que j’ai appris lorsque j’ai fait mes études d’arts c’est que je ne devrait jamais demander en premier lieu à un « extérieur » – ce que tu nommes lecteur – ce qu’il pense d’un projet, pas plus qu’à un « critique » – ce que tu nommes professeur. Ces deux types de personnes ne savent rien du processus créatif et ne font que juger en substance et ce n’est pas ce qui me convient personnellement. Si je reçois mes premières critiques de quelqu’un qui n’écrit pas ou d’un professeur, je n’arrive pas à accepter la critique. J’ai dressé des barrières mentales très puissantes, je crois. Je préfère toujours que mon premier lecteur soit un auteur « lambda », ensuite je confie mon histoire à d’autres bêta-lecteur et je trouve que cela fonctionne mieux.

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  3. Olivia Billington dit :

    Il est amusant, cet article. 🙂

    J’ai la chance d’avoir deux bêtas extras. Mon compagnon, qui est auteur également (et correcteur/relecteur). Je le bêta-lis aussi, bien sûr. Il m’aide aussi parfois à dénouer certaines choses, à m’avancer dans l’intrigue, mais je ne le trouve pas assez sévère. Les critiques plus assassines, c’est ma seconde bêta-lectrice qui me les fait (grande lectrice et linguiste) et… j’adore (mon côté maso). En général, les failles qu’elle pointe correspondent à mes craintes, donc ça me permet de bien améliorer mes romans. 🙂

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    • Eleyna dit :

      Merci. 🙂

      C’est bien d’avoir des bêtas-lecteurs en qui on peut avoir confiance, capables d’êtres honnêtes et de remonter le moral en cas de besoin. J’aime bien aussi avoir un bêta-lecteur qui ose dire, qui permet de réfléchir, sans diriger, juste en orientant vers ce qui pourrait être amélioré. 🙂

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