[Chronique Littéraire] Promenons-nous dans les bois, Gwladys Viscardi

   Je me suis aperçue que je vous proposais peu de chroniques dans la catégorie du merveilleux. Alors, si je vous invitais à découvrir la réécriture d’un célèbre conte, avec Promenons-nous dans les bois, de Gwladys Viscardi (autoédition) ?

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FICHE TECHNIQUE

 

  • Titre : Promenons-nous dans les boisxcover-2414
  • Auteur/Autrice : Gwladys Viscardi
  • Illustrateur/Illustratrice : Mélanie Delon
  • Édition : Autoédition
  • Collection : /
  • Genre : Merveilleux, conte revisité
  • Public : Tout public
  • Cycle : One-shot
  • Pages : 478
  • Parution : 13 novembre 2018
  • Langue : Français
  • Format : Numérique – Broché
  • Prix :  4,99 euros – 16,50 euros
  • ISBN : 978-1720773573
  • Lien : Gwladys Visacardi

Résumé : L’existence de la jeune Elfée se voit bouleversée le jour où sa sœur aînée, malheureuse victime de ce que l’on pense l’attaque d’une bête sauvage, connaît une fin tragique au sein de la forêt, où d’aucuns d’ordinaire ne s’aventurent sans méfiance. Ce n’est qu’avec l’aide de Ma’a, l’herboriste du village qui fait d’elle son apprentie, qu’elle parvient à surmonter sa crainte des bois, pour embrasser la sensation de sérénité et de liberté qu’elle éprouve dans ce monde où disparaît la conscience de sa différence. La jeune fille ignore que l’intérêt que lui porte l’herboriste n’est pas sans arrière-pensées, et lorsque celle-ci jusqu’ici solitaire commence à fréquenter Loup, dont les intentions pourraient ne se révéler tout à fait honorables, la vieille femme considère là un frein, une atteinte, à ses desseins. Tandis qu’Elfée commence à acquérir une certaine indépendance, de nouvelles attaques viennent troubler la quiétude du village…

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MON AVIS

Bulle d'Eleyna Logo 2

Lu dans le cadre du Challenge Littérature de l’Imaginaire.

Lu dans le cadre du Printemps de l’Imaginaire Francophone.

   Service Presse (Simplement) : Je remercie Gwaldys Viscardi de m’avoir proposé la lecture de son roman. 🙂

 

Couverture et Accroche

   La couverture m’a vraiment attirée l’œil, tant elle est de belle qualité. Je suis assez fan des couleurs, pas trop vives, notamment ce rouge assez terne que je trouve tout à fait approprié pour une revisite de conte un peu sombre. J’aime aussi le jeu des contrastes avec ce centre plus lumineux qui met bien en scène le personnage principal et l’ombre dans le lointain. Je trouve aussi que la typographie du titre concorde avec l’idée que l’on se fait actuellement des contes.

   Le résumé manque selon moi d’un petit peu de travail. Déjà, je trouve qu’on n’y perçoit pas vraiment le charme typique des contes et sans la couverture, je me dis qu’on pourrait ne pas forcément faire le parallèle à la seule lecture de ces lignes. De plus, si les tournures de phrase permettent de donner une idée sur la prose de l’autrice, elles sont parfois un peu maladroites. A l’image de « celle-ci » qu’on pourrait rattacher à l’herboriste, mais qui s’applique à la jeune fille. Malgré tout, il résume très bien le premier chapitre du récit.

 

Prose et Structure

   Autant le dire tout de suite, la prose est ce qui va vous décider à lire ou non ce récit. Car la plume de l’autrice est bien particulière (elle le reconnait elle-même). Elle emprunte aux contes d’autrefois des formulations poétiques que rehausse un vocabulaire plutôt riche. En cela elle vise juste et me semble appropriée pour un conte revisité. Néanmoins, si le récit s’adresse à tout le monde, la prose ne saura pas satisfaire tous les lectorats, la faute selon moi à un usage limité du point. Là où on perçoit plusieurs idées dans une phrase, on se retrouve à lutter quelque peu avec les virgules, quand il ne coûtait rien de séparer les éléments d’un simple point. Pas à chaque fois, mais plus régulièrement, de façon à aider le lecteur à reprendre son souffle. Car outre la longueur, on y associe souvent de nombreuses incises qui donnent un rythme bien particulier. Cela participe à l’ambiance, mais peut aussi perdre le lecteur s’il ne s’est pas confortablement installé à l’écart de toute contrariété. Bref, ne lisez pas dans un endroit bruyant si vous êtes facilement distraits.

    Concernant la structure du roman, nous retrouvons un découpage traditionnel en chapitre, avec un prologue qui, pour mon goût personnel, aurait tout aussi bien pu être un premier chapitre. Mais peu importe, cela ne change rien à la lecture. Je regrette cependant que dans la version ebook (je ne sais pas pour la version brochée), les ellipses temporelles et les changements de points de vue ne soient pas signalés physiquement par un saut de ligne qui aide à reprendre son souffle, mais aussi à s’y retrouver plus facilement quand on interrompt sa lecture. Sur ce point, c’est évidemment davantage une histoire de confort visuel, mais je pense que c’est toujours bon d’y penser.

 

Personnages et Narrateurs

   Elfée est la protagoniste principale de l’histoire, bien qu’elle ne soit pas la seule dont on suit le point de vue. Jeune fille un peu différente du reste de sa communauté de par ses iris mauves, elle subit la méfiance constante des villageois et l’absence d’amour de ses parents. La mort de sa sœur aînée, seule personne à l’avoir toujours aimée et protégée, est l’occasion un peu cruelle pour elle de grandir et de s’émanciper. En vérité, elle semble dès le début du récit d’une grande maturité pour son âge. Elle a un petit côté Belle (de La Belle et la Bête), avec cette curiosité pour le savoir qui se trouve dans les livres et cette envie de voyager loin de son village perdu au milieu des bois. Elle a appris à jouer l’indifférence face au mépris et a acquis une grande indépendance d’opinions, ce qui lui permet de ne pas juger trop vite sous le couvert de fatals préjugés (sauf pour un individu). C’est un personnage sympathique à suivre, d’autant qu’elle refuse de rester en place, de quoi la voir courir à la moindre occasion en direction des bois.

   Loup est un jeune homme un peu plus âgé qu’Elfée qui, bien que sociable, semble garder une certaine distance avec le reste de la communauté. Pourtant du même village, Elfée est subitement intriguée par le jeune homme (les hormones, tout ça tout ça… ^^) qui lui-même remarque son intérêt. Loup est bûcheron, tout comme son frère adoptif, si bien qu’il se retrouve souvent dans les bois. Néanmoins, il semble les connaître bien mieux que n’importe qui, et son comportement un peu ambigu avec Elfée ne joue pas vraiment en sa faveur. Difficile de parler de lui, car le récit en vient rapidement aux révélations sur ce personnage. On le découvre néanmoins profondément attaché à ceux qu’il aime, notamment son frère et ses parents adoptifs qui, contrairement à ceux d’Elfée, se sont toujours montrés bienveillants malgré sa différence.

   Ma’a est la vieille herboriste du village qui, suite à la mort de la sœur aînée, décide de prendre Elfée en apprentissage pour en faire l’héritière de son art. Ma’a a énormément de connaissances sur les plantes et les minéraux, et bien vite, Elfée va découvrir que sa patronne possède d’autres talents. Des talents qui semblent en lien avec l’intérêt particulier que Ma’a lui porte. On la sent dissimulatrice, hantée par un secret dont elle ne veut rien partager et dont l’ombre pèse sur la jeune fille. Si Ma’a se montre comme l’une des rares personnes à apprécier Elfée, il reste difficile de la suivre en toute confiance. Elle est, comme beaucoup de mentors, persuadée qu’il ne faut rien dire avant l’heure, et si je conçois l’idée, j’avoue que pour l’occasion, elle démontre bien qu’il s’agit là d’une illusion de contrôle.

    Il y a d’autres personnages, comme Nathan, le frère de Loup, qui a eu pour moi, en toute fin d’histoire, l’une des répliques les plus percutantes du livre (un petit rien, mais qui en dit beaucoup). On croise aussi les parents d’Elfée, exécrables à souhaits, et la domestique Violaine chargée de surveiller la petite fugueuse. Puis, il y a des nouveaux venus dans les environs, que je vous laisse découvrir par vous même, et qui ont une grande importance dans le récit.

 

Univers et Atmosphère

   L’univers est propre à celui d’un conte. On y décrit un village perdu au milieu des bois à flanc de montagne, isolé de tout et relié à la civilisation par une unique route qui serpente parmi les arbres. Dans ce village, Ma’a a instauré des règles qui invitent à préserver les limites des deux mondes, celui des hommes et celui des animaux. Ainsi, les hommes doivent rester au village et ne s’aventurer dans les bois que pour le strict nécessaire. De même que les animaux ne sont pas présents au village, car il est immoral de traiter un être vivant en esclave, comme on le comprend dans une certaine scène où sont présents des chevaux. C’est une idée intéressante, malheureusement pas aussi exploitée que je l’espérais, en dehors de l’interdiction d’aller en forêt. De même, quelques éléments sont insérés sans servir (comme la création de potions) ou sont rapidement oubliés une fois utilisés (la pierre de lune dont on ne reparle plus après un premier échec). C’est un peu dommage, surtout que le nombre de pages donnait l’occasion, je pense, de se pencher davantage sur le sujet.

   Le récit s’inspire de plusieurs contes, légendes et folkores. On sent bien entendu l’influence du petit Chaperon Rouge, avec cette idée d’une bête qui rôde dans les bois et le rapport à la lycanthropie. On a aussi un rapport certain avec la Belle et la Bête dans le comportement d’Elfée, mais aussi dans la présence d’un château qui semble abandonné et qui pourrait bien receler quelques mystères. La revisite de ces contes est toutefois très libre et se rapproche par ailleurs davantage dans le cas du Chaperon Rouge, de certaines adaptations cinématographiques. Il est aussi quelquefois fait référence aux Moires, les trois divinités grecques qui filent le destin, même si je trouvais qu’elles manquaient un peu de lien avec le reste du récit. Mais c’est surtout dans la Wicca qu’on sent que l’inspiration a été puisée, avec un lien évident au culte de la nature et de la lune. L’idée est particulièrement alléchante, même si à titre personnel, j’ai trouvé les démonstrations magiques un peu trop chiches. Toutefois si vous n’êtes pas comme moi, friands de détails sur les superstitions, vous devriez vous trouver parfaitement contentés. 😉

 

Intrigues et Thématiques

   Un an après la mort tragique de sa soeur aînée, Elfée consent à retourner dans les bois en compagnie de Ma’a qui souhaite lui apprendre son métier d’herboriste. Alors que la jeune fille prend peu à peu confiance en elle, elle fait la connaissance de Loup, un jeune bûcheron qu’elle trouve intriguant dans sa façon de se comporter avec les autres villageois. Ma’a voit d’un mauvais œil que sa protégée se rapproche de cet homme étrange qui se promène seul en forêt, et ce n’est pas la nouvelle série de meurtres qui va la rassurer.

   L’intrigue en elle-même est intéressante, elle suit un cours qui s’éloigne un peu du conte traditionnel pour y inclure les notions propres à la Wicca. Toutefois, le récit se perd quelquefois dans des longueurs qui exploitent davantage le style que le fond. On sent que l’autrice à un amour profond pour ce langage un peu ancien et conté, mais il palabre parfois là où une phrase aurait suffi. En effet, on se retrouve avec le besoin d’expliquer ce qui, à mon avis, se comprend dans l’intention de la scène, et c’est bien dommage parce que cela donne une impression de répétitivités des faits.

    C’est d’autant plus dommage que j’ai trouvé la romance plutôt bien dosée. Moi qui ne suis pas trop romance, j’ai souvent tendance à penser que les auteurs en font trop sur le sentiment amoureux, rappelant à toutes les pages combien l’attente est longue, combien les baisers sont fougueux et combien les pensées des deux amoureux ne tournent qu’autour de ça. Ici, on a un peu de ça, bien sûr. Mais d’une, c’est progressif et il existe une réelle méfiance entre les deux protagonistes. De deux, c’est justifié par leur statut d’individus étranges qui ont besoin d’être compris pour exister.

   Comme dans tout conte, on y retrouve des thématiques importantes, telle que l’acceptation de la différence et l’importance de se faire sa propre opinion avant de juger. La différence ici est montrée à travers l’apparence. Ce qui se voit déjà, comme la protagoniste qui, par son seul regard de couleur étrange, attire sur elle toute la méfiance d’une communauté pourtant habituée à la côtoyer. On retrouve aussi cette idée dans la notion de métamorphose et de bestialité, ce rapport indirect à la nature que l’on respecte mais que l’on se doit de garder éloignée. Et puis il y a l’idée d’apparence trompeuse, de celle qui dissimule une véritable personnalité ou que l’on attribue à un individu par sa seule identité publique. Autant le dire, sur ces sujets, le conte fait mouche.

 

Conclusion

    Promenons-nous dans les bois est un conte revisité qui se pare d’une plume singulière qui n’enchantera peut-être pas tous les lectorats. Néanmoins, si vous êtes du genre à aimer le style conté riche en incises, vous devriez apprécier cette quête d’une jeune fille qui cherche à s’affirmer et à défendre la liberté d’opinion dans un village gangrené par les préjugés et la peur d’une attaque imminente. Parce qu’après tout, les contes ont leurs morales, et celles-ci, même dans les récits aux accents anciens, parlent souvent du monde d’aujourd’hui.

 

Qui veut se promener dans les bois avec Elfée ? 🙂

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UN APERÇU D’AILLEURS SUR

Promenons-nous dans les bois ?

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14 réflexions sur “[Chronique Littéraire] Promenons-nous dans les bois, Gwladys Viscardi

  1. leslivresderose dit :

    J’aime beaucoup la couverture aussi! 😀 Pour le reste, ce roman me tentait déjà beaucoup quand je l’avais vu et ta chronique confirme ce sentiment sauf…en ce qui concerne l’écriture..Je ne suis pas sûre d’accrocher, ce qui me fait hésiter!^^ Je vais voir s’il y a pas moyen de trouver des extraits pour voir si il me convient ou non avant de me lancer!

    Aimé par 1 personne

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