[Chronique Littéraire] Le Livre des Martyrs – T1 : Les Jardins de la Lune, Steven Erikson

   Figurez-vous qu’aujourd’hui, j’ai décidé de sortir un peu de mes habitudes afin de faire plaisir à une amie blogueuse, Symphonie, en vous parlant du premier tome de son cycle de fantasy préféré, Le Livre des Martyrs – T1 : Les Jardins de la Lune, de Steven Erikson (Leha).

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FICHE TECHNIQUE

 

  • Titre : Le Livre des Martyrs – T1 : Les Jardins de la Lunelivre-des-martyrs
  • Auteur/Autrice : Steven Erikson
  • Traduction : Emmanuel Chastellière
  • Illustrateur/Illustratrice : Marc Simonetti
  • Édition : LEHA
  • Collection : /
  • Genre : Fantasy, Dark Fantasy
  • Public : Adulte
  • Cycle : oui (1/10)
  • Pages : 640
  • Parution : mai 2018
  • Langue : Français
  • VO : Anglais
  • Format : Numérique – Papier
  • Prix : 14,99 euros – 25 euros
  • ISBN : 979-10-97270-19-3
  • Lien : Editions LEHA

Résumé : Saigné à blanc par des luttes intestines, d’interminables guerres et plusieurs confrontations sanglantes avec le Seigneur Anomander Rake et ses Tistes Andii, le tentaculaire Empire Malazéen frémit de mécontentement.

Les légions impériales elles-mêmes aspirent à un peu de répit. Pour le sergent Mésangeai et ses Brûleurs de Ponts, ainsi que pour Loquevoile, seule sorcière survivante de la 2e Légion, les contrecoups du siège de Pale auraient dû représenter un temps de deuil. Mais Darujhistan, la dernière des Cités Libres de Genabackis, tient encore et toujours bon et l’ambition de l’Impératrice Laseen ne connaît aucune limite.

Cependant, il semble que l’Empire ne soit pas la seule puissance impliquée. De sinistres forces sont à l’oeuvre dans l’ombre, tandis que les dieux eux-mêmes se préparent à abattre leurs cartes…

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MON AVIS

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Lu dans le cadre du Challenge Littérature de l’Imaginaire.

   Ce cycle, c’est le cycle que tout le monde redoute tant on affirme qu’il est compliqué, que les personnages sont nombreux, l’univers trop riche et vaste, que l’auteur nous balance directement en pleine action sans rien expliquer… Bref, il est vendu comme du bon gros livre d’initié niveau 100, que vous détesterez si vous n’êtes pas dans le délire, ou que vous adorerez si vous êtes un archimage de la lecture. Alors, est-ce que tout cela est vrai ?

 

Couverture et Accroche

   Je ne vais pas beaucoup m’y attarder, puisque j’ai lu ce livre uniquement parce qu’une passionnée me l’a bien vendu. 😉

   Néanmoins, je peux dire que je trouve la couverture en phase avec son genre littéraire, avec un trait à l’ancienne et des couleurs peu chatoyantes qui rappelle que la guerre, c’est triste et crade. L’image en elle-même est une scène du début du tome, lors du siège de la cité de Pale. Une image assez emblématique pour les fans, notamment parce qu’elle représente sur sa tranche supérieure Sangdelune, la cité volante, et ses grands corbeaux.

   Le résumé ne me parle pas plus que ça, il est assez basique dans sa conception. Seule, je ne serais probablement pas allée vers ce titre. Pas parce que ce qu’en dit la 4e ne m’intéresse pas, mais parce que finalement, il ne reflète pas les spécificités qui font que les gens plongent dans ce cycle. Après, de là à dire qu’il y avait une façon plus efficace de dépeindre l’univers d’Erikson, je crois que ça devient vite compliqué. ^^

 

Prose et Structure

    Je vais répondre tout de suite à une réflexion de la préface. Selon l’auteur, soit on adore, soit on déteste ce cycle. Pour moi, ce n’est ni l’un ni l’autre. Pas plus qu’un autre livre, il n’a à mes yeux cette aura d’exception et ce que l’on cite comme des contraintes ne sont pas des caractéristiques inédites à mes yeux de lectrice. D’un point de vue pluralité d’intrigues ou nombre de personnages, il n’est pas plus compliqué que certains ouvrages du genre, le premier auquel on pense étant Games of Thrones.

   A titre personnel, ce qui m’a fait traîner des pieds sur la première centaine de pages, ce n’est pas la complexité : c’est la mise en scène. Rien à voir avec la prose en elle-même, bien qu’il soit difficile d’en juger puisque je n’ai lu que la traduction. Non, je parle de l’agencement des scènes. Certes, l’auteur nous largue dès les premières pages en pleine action, mais c’est le cas dans beaucoup de livres du genre. On ne prend pas le temps de nous présenter les personnages, là encore c’est courant. On sent qu’il y a autant d’intrigues que de protagonistes, normal chacun à sa vie. Mais ajouter à cela une tendance étrange à faire que les phrases ne se répondent pas toujours… Là oui, ça devient un peu plus complexe.

   Lors du premier acte du livre, les personnages ont parfois, soit tendance à ne pas réagir à ce qui est expliqué dans la narration ou les descriptions, soit à ne pas répondre avec évidence à leur interlocuteur (Exemple bien caricatural : – J’ai faim et toi ? – Je sais que tu m’as volé ma cuillère dorée ! – D’accord, va pour du pâté de sanglier). Cela donne des situations confuses où on se retrouve dans un univers inconnu, dans une situation inconnue, avec des personnages inconnus qui ont des difficultés à se parler normalement (du point de vue du lecteur pas encore au courant du fonctionnement). J’avoue que l’accumulation n’est pas des plus heureuses. Mais cela s’aplanit à partir du deuxième acte, bien plus agréable à suivre (peut-être l’ambiance y fait-elle aussi). Un acte 2 qui m’a totalement lancé dans la lecture. Aussi, si comme moi, vous n’êtes pas totalement convaincus sur les premières pages, acharnez-vous, allez au moins jusqu’à Darujhistan.

   Ceci étant dit, passons à la prose. Le texte est écrit à la troisième personne au passé et suit le point de vue des différents protagonistes, parfois au sein d’une même scène. Il n’y a en soit pas de réel changement de ton d’un personnage à l’autre, mais je vous parlerait de l’uniformité des personnages dans la partie suivante. La traduction est très bonne, avec des descriptions somptueuses des différents environnements. Dans un univers aussi riche, ça vaut vraiment le coup de prendre le temps d’explorer les lieux. Je ne peux guère m’exprimer sur l’un des points qui a pu faire polémique, à savoir la traduction des noms, puisque je n’ai pas lu en VO. Cependant, pour mon goût personnel, j’avoue ne pas toujours être fan de certains noms français.

   En terme de structure, on se retrouve avec un ouvrage découpé en 7 livres qui correspondent à des actes ou des arcs narratifs suivant un groupe de personnages ou une situation particulière. Ces livres sont eux-mêmes découpés en chapitres. Chaque livre et chaque chapitre commence par un poème, une chanson, un bout de texte poétique. J’avoue que cela ne m’a pas vraiment parlé (contrairement à d’autres livres, comme la Crécerelle de Patrick Moran), mais ceci parce que je n’ai jamais compris la subtilité de découper une phrase d’une façon qui semble aléatoire pour faire des vers. Mais si je ne suis pas sensible à ce type de poésie, j’imagine qu’elle plaira à d’autres.

 

Personnages et Narrateurs

   On ne vous a pas menti, il y a bien énormément de personnages rien que dans ce premier tome. Vous avez 4 pages de glossaire rien que pour eux, même si une partie ne référence que des noms cités ou des personnages qui n’apparaissent que 30 secondes avant de mourir (pas de chance ^^). Mais ces personnages ne sont pas plus nombreux que dans toute autre grande fresque du genre, vous savez de celle qui compte les grandes guerres et les petits complots. Encore une fois, on en revient à Games of Thrones. Si vous êtes capables de suivre tous les personnages de ce dernier, vous êtes en mesure de suivre ceux du Livre des Martyrs.

   D’autant que, même si l’auteur nous plonge directement dans l’action, il nous fait grâce de nous parler de tous les personnages immédiatement. En effet, les deux premiers actes se concentrent chacun sur un groupe particulier de personnages, nous permettant de nous préparer à leur future rencontre (et donc à la multiplication des allers et retours chez les uns et les autres).

    Le premier acte concentré sur la ville de Pale suit des acteurs importants de l’Empire Malazéen, dirigée par l’Impératrice Laseen dont la soif de conquête semble inextinguible. Parmi eux, une escouade particulière nommée « Brûleurs de Ponts », commandée par le sergent Mésangeai, ancien haut gradé du précédent Empereur qui s’est vu dégringolé la pente à cause des subtilités des jeux du pouvoir. A ses côtés, l’assassin Kalam et le mage Ben le Vif, subalternes qui tentent d’alléger le fardeau de Mésangeai, à savoir mener ses hommes à la mort. On retiendra aussi Maillet, le guérisseur, Violain et Esquive, les artificiers un brin timbrés, Gogues, le géant barghast pas très causant, et la petite dernière, Mes Regrets, une jeune fille qui a le goût du sang. Tous doivent rejoindre leur prochaine mission suicide à Darujhistan, en compagnie d’un capitaine Paran qui malheureusement pour lui, se verra embarqué dans d’autres péripéties.

   De ce côté des conflits se trouvent aussi des personnalités, comme Lorn, l’Adjointe de l’Impératrice (son bras droit) en mission secrète, le respecté Haut Poing Dujek Unbras (général) et son rival pour le commandement de la ville de Pale, le Grand Mage Tayschrenn, lui-même détesté par la bienveillante mage Loquevoile et l’obscur pantin Toupet. Tout ce petit monde adore se tirer dans les pattes tout en prenant grands soins de sauver les apparences, dans un grand n’importe quoi des subtilités du pouvoir.

    Le second acte se concentre sur des personnages de Darudjhistan, lieu de rencontre de tous les protagonistes et principale scène de bataille, armée et politique. Ici, on vous parle d’un petit groupe d’amis un peu étrange, commandé par Kruppe, un mage-voleur rondouillard qui parle de lui à la troisième personne (l’un des meilleurs personnages du tome selon moi). A ses côtés, Rallick l’assassin dont l’honneur surpasse ses obligations envers la Guilde locale, Murillo le dandy qui charme les veuves pour s’attirer leurs faveurs, Coll l’ancien noble alcoolique qui s’est fait voler titre et domaine par sa femme et Crokus, le gamin orphelin devenu voleur qui découvre ses premiers émois.

   Ici encore, des luttes de pouvoir entre les grandes instances, principalement incarnées par Turban Orr, un conseiller qui veut vendre la ville à l’Empire Malazéen pour monter dans l’échelle sociale, l’alchimiste Baruk qui est contre une capitulation et décide de faire d’autres alliances, ou encore Vorcan la chef de la Guilde des Assassins qui se verrait bien devenir la maîtresse incontestée de Darujhistan.

   Vous en avez assez ? Ce n’est pas fini, puisque avec eux, il faut compter sur les habitants de Sangdelune, la cité volante qui stationne au-dessus de Pale, puis de Darujhistan. Son seigneur, Anomander Rake, du haut de ses 300 000 ans, dirige un peuple d’immortels qui font bien des ravages sur leur passage. On retrouve à ses côtés Mégère, la matriarche de tous les grands corbeaux espions et messagers du seigneur, mais aussi Silanah, la première des Eleints.

   Et que dire des Ascendants, ces dieux qui décident d’intervenir directement auprès des mortels pour contrarier les plans de leurs rivaux. Entre Ombretrône et ses Molosses qui coursent les intrus dans son domaine d’Ombre, La Corde qui aime s’emparer du corps des gens, et Oponn, les Jumeaux du Hasard prêts à tous les enfantillages pour dominer la partie, la guerre est loin d’être terminée.

   Je vous fait grâce des autres personnages, même si certains peu visibles ont tout de même leur rôle à jouer. Une galerie de protagonistes impressionnante donc, mais qui pêche un peu dans l’uniformisation de certains profils. En si peu de pages pour un tel ratio d’individus, il est difficile de rendre chacun attachant et parfaitement identifiable, si bien que certains, notamment secondaires, récupèrent des traits assez similaires (je pense par exemple à Toc le Jeune qui ressemble beaucoup à Paran). Puis, ils ont aussi une tendance à tenir des discours assez semblables dans la forme (on explique même qu’ils parlent tous la langue locale, y compris le soldat étranger, et que repérer leurs accents revient à de l’expertise, peu vraisemblable, mais bon…).

   L’autre point qui m’a un peu gêné, c’est la gestion des âges. Entre ceux qui ont 20 ans et qui se comportent comme s’ils en avaient 50 (ils ont tout vu, tout fait, ils sont blasés de la vie, d’ailleurs une fois la mission achevée, ils n’auront plus aucun but… #joiedevivre), et ceux qui en ont 17 et qui s’expriment comme des gamins de 10 ans (mais heu, pourquoi tu me regardes comme ça heu !), j’avoue qu’il m’est arrivé de soupirer, surtout pour les deux « gamins ». Bref, même s’ils sont intéressants, tous les personnages ne sont pas tous parfaitement exposés.

 

Univers et Atmosphère

   L’univers est vaste et complexe. En cela rien d’étonnant puisqu’il s’appuie sur un historique bien plus ancien que les romans, une idée de jeu de rôle entre amis qui a mis des années à s’étendre (il faut au moins cela pour envisager l’histoire d’un monde sur un minimum de 300 000 ans). Ainsi, à l’époque du roman, le monde est déjà passé par de nombreuses périodes de guerres, de confrontations, d’alliances, de naissances et d’extinctions des espèces.

   Si l’on y retrouve en majeure partie des humains, ceux-ci ne sont pas les seuls et sont loin d’être les premiers, ou même les plus compétents. Ainsi, on découvre une multitude de peuples, parfois au cœur de l’action, parfois au détour d’un chemin, parfois dans de simples légendes. Il y a bien entendu les Tistes Andii, le peuple immortel à peau noire d’Amonander Rake que l’on dit originaire des Ténèbres. Il y a aussi les Barghasts, un peuple nomade aux coutumes chamaniques qui usent de tatouages et de totems de protection. Les Moranths sont des créatures qui vivent en castes distinctes, certaines s’occupant de la logistique, d’autres de la guerre. Les Tl’an Imass composent une ancienne race de non-vivants de laquelle l’humanité à hériter son amour de l’expansionnisme. Les Jaghuts au contraire étaient réputés pour avoir horreur du mode de vie en communauté et préféraient vivre en solitaire, quitte à s’éteindre. Bref, il ne s’agit que d’un panel de civilisations et l’on peut voir déjà, combien chacune possède ses propres caractéristiques.

   L’autre particularité de cet univers, c’est la magie. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, elle n’est pas la plus complexe qui soit. Cette magie est basée sur le principe des Garennes, des voies mystiques qui traversent le monde et qu’un mage peut emprunter physiquement pour se déplacer plus vite entre deux lieux, ou bien puiser dedans pour créer des sortilèges. Les Garennes dépendent des éléments et des dieux, ainsi Loquevoile puise dans Thyr, la voie de la Lumière, quand Maillet puisera plutôt dans celle de Denul, la Guérison. Il ne s’agit pas d’une magie punitive, elle est même au contraire rapidement très puissante. Durant tout le tome, rien ne laisse penser que son usage est difficile ou qu’il demande de réels sacrifices personnels ou communs (pas d’épuisement de l’individu ou de la Garenne). Maillet par exemple supporte très bien de ramener des gens presque morts. Là où la magie est fatale, c’est quand un mage se confronte à un autre mage de puissance égale ou supérieure (on va me dire qu’il y a aussi les voyages dans les Garennes, mais je n’ai encore vu aucun mage se faire attaquer dans sa propre Garenne. Après quand tu visites celle de tes ennemis, il ne faut pas s’étonner ^^). Ainsi, lors du siège de Pale, les mages déchaînent leurs pouvoirs dans un combat titanesque et mortel. C’est impressionnant bien sûr, mais il reste difficile de mesurer l’impact d’une telle magie au quotidien, comme le livre ne montre que des confrontations entre « personnes de talent ». Mention spéciale pour le Jeu des Dragons, un art de la divination à partir d’un jeu de cartes qui apporte des informations différentes selon qu’on soit Initié ou non.

   Enfin, l’univers ne serait pas complet sans les dieux qui, à l’image des peuples, naissent et disparaissent au gré de l’apparition des Garennes et de la dévotion des croyants. Si on évoque dans ce tome quelques anciennes figures, l’époque de l’Empire Malazéen semble plutôt bénéficier de divinités récentes, comme celles de l’Ombre, Ombretrône et La Corde, dont la Garenne s’est ouverte depuis peu (bien qu’on suggère qu’elle existe depuis plus longtemps). C’est le cas aussi d’Oponn, entité jumelle dont les deux visages, la Dame et le Seigneur, se comportent comme des enfants. Leur présence apporte beaucoup au récit, notamment parce que tout le monde sait qu’ils sont réels et que leur présence dans une intrigue n’est pas à prendre à la légère. D’autant que la plupart des Ascendants adorent jouer avec des pions humains. Néanmoins, j’ai trouvé que l’aspect divin n’était pas aussi tangible que je m’y étais attendue. Ainsi, si le tome est bourré d’assassins, aucun ne prie La Corde pour s’attirer ses faveurs et le Dieu se garde bien d’intervenir pour aider ses « disciples ». En vérité, je vois les Ascendants comme des entités supérieures plutôt que comme des dieux au sens idéologique du terme.

 

Intrigues et Thématiques

   On se retrouve à l’époque de l’Empire Malazéen, qui a la mort tragique de son Empereur et son proche entourage, continue son expansion territoriale sous l’égide de l’Impératrice Laseen. Celle-ci, en tant qu’ancienne maîtresse des Assassins de la Griffe, ne lésine pas sur les moyens les plus fourbes et les plus sanglants pour mettre le continent de Genabackis à ses pieds. Sans parler qu’elle a décidé de décimer un à un les partisans de l’ancien Empereur, comme le sergent Mésangeai et le Haut Poing Dujek Unbras, ou encore de purger la haute noblesse. Mais à trop vouloir jouer de sa supériorité, Laseen en oublie qu’elle n’est pas invincible et que ses victoires dépendent autant de sa conviction que du bon vouloir de ses troupes disparates à rester dans les rangs. Or, les peuples qui constituent son empire sont loin d’être tous soumis.

   On pénètre assez violemment dans une période trouble de l’Empire Malazéen, en commençant par le siège cataclysmique de Pale. Le comportement de Laseen est à l’origine de nombreuses sous-intrigues politiques, alimentées par les désirs des uns et les idéaux des autres. Quand il n’est pas parfois question de simple survie. Mais l’Impératrice n’est pas la seule reine de ce jeu d’échec de grande ampleur. Elle fait face à un adversaire de taille, Anomander Rake qui, bien qu’indirectement inquiété par les conquêtes malazéennes puisque sa cité survole les terres, n’en a pas moins décidé que le continent de Genabackis ne serait pas pour elle.  Puis, il ne faudrait pas oublier les Dieux, très actifs dans les événements, contrairement à d’autres romans où on se contente de croire en eux. Sans parler que chacun, à un niveau humain, défend ses propres idéaux et que telle une simple goutte d’eau, ils peuvent faire pencher la balance.

      En effet, Le Livre des Martyrs, c’est la Grande Histoire d’une guerre, racontée par la petite histoire des innombrables destins qui s’entrelacent et déterminent l’orientation des conflits. Cela pourra parfois perdre le lecteur, comme on ne comprend pas toujours pourquoi certains s’acharnent à suivre un plan quand ils ont conscience d’avoir été trahis. Mais c’est ce qui apporte un côté dramatique à la situation. Au fond, il n’y a pas de héros dans cette histoire, et très peu d’idéalistes ingénus, la plupart sont persuadés que faire couler le sang est inévitable. Parfois même un peu trop, comme le livre manque par exemple de questionnements sur les agissements des Brûleurs de Ponts, prêts à faire sauter une ville sur demande sans s’inquiéter de la population locale (excepté à la fin). Néanmoins, j’imagine qu’on avait déjà assez à faire avec les luttes entre les différents pouvoirs sans en venir aux cas de conscience.

   Qui dit intrigues complexes avec personnages surpuissants, dit besoin de portes de secours. Autant le dire, Steven Erikson pratique le Deus ex Machina. Rien de bien méchant, la plupart du temps, ça passe, parce que le contexte, les puissances divines, les Garennes, les gens pas toujours futés, tout ça… Mais il y a deux fois où je n’ai vraiment pas compris pourquoi Erikson n’avait pas anticipé les faits dans la narration (l’une implique un artefact en os qui débarque en fin de tome pour justifier que certains personnages savent tout des événements récents, la seconde fois où un truc pousse et pof ! plus de menace). Il n’y avait vraiment pas moyen de les mentionner un peu avant, alors que c’est le cas pour tant d’autres points ?

 

Conclusion

   Contrairement à ce que dit Steven Erikson dans sa préface, on peut lire son roman sans l’adorer ou le détester, juste en l’appréciant avec ses qualités et ses défauts. Il peut être complexe d’y entrer, c’est un fait, mais il n’est pas plus chargé en intrigues ou en personnages qu’un autre ouvrage du genre, basé sur l’assemblage des petites histoires, des conflits internes, des trahisons et des alliances à l’origine de la Grande Histoire d’un monde. S’il a quelques petits défauts, il faut reconnaître qu’il maîtrise son sujet, avec un rythme adapté, de jolies descriptions, des protagonistes de tout bord non manichéens, de la magie qui déchire le ciel et la terre, et des combats de dragons (tout le monde aime les combats de dragons ^^).

 

Et vous, envie de tenter l’aventure du livre des Martyrs ? 🙂

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UN APERÇU D’AILLEURS SUR

Le Livre des Martyrs – T1 : Les Jardins de la Lune ?

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N’hésitez pas à faire un tour sur les autres blogs de critiques littéraires pour vous faire un meilleur avis sur le sujet. 😉

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22 réflexions sur “[Chronique Littéraire] Le Livre des Martyrs – T1 : Les Jardins de la Lune, Steven Erikson

  1. Symphonie dit :

    Je pense en effet que je peux postuler comme gouroute :p

    Même si j’adore le cycle, je suis quand même d’accord avec toi pour les points que tu soulèves^^ le début est quand même âpre à lire (alors tu imagines quand je l’ai lu en anglais, y’a des trucs que je n’ai compris qu’en 2e lecture^^), et les personnages pas particulièrement attachants dans ce premier tome. Mais j’avoue que j’adore l’univers^^

    Mais quelque part, je trouve ça rassurant que le cycle ne soit pas parfait, trèèèèès loin de là, mais qu’il a quand même son lot de fans^^

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    • Eleyna dit :

      J’ai déjà indiqué le tome deux à qui saura me l’offrir (puis si je m’acharne avec toi, ils arriveront bien à traduire le cycle jusqu’au bout ). 😛

      De toute façon, est-ce que la perfection existe ? ^^
      Le plus rassurant finalement, c’est de se dire que malgré les imperfections ou les possibles difficultés, un livre trouve quand même son public. Pour peu qu’on lui laisse un peu de visibilité. 🙂

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  2. Symphonie dit :

    J’espère en effet que ce coup-ci sera la bonne^^ moi j’ai déjà réservé une des 2 récompenses du chapitre 10 pour être sûre d’avoir le tome 3 à temps.

    D’où l’importance de la publicité et du marketing, oui. Pour ce que jen sais, le cycle était complètement passe inaperçu les 2 premières fois par manque de promo

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  3. John Évasion dit :

    Comment tu démystifies le mythe de ce livre :-O lol. Non mais je comprends ton analyse et je me dis que je vais bien galérer en prenant des notes tout le long. J’ai déjà failli me perdre dans ta chronique alors imagine… mais je me le suis procuré et j’ai hâte de le lire (j’espère cette année !).
    Merci pour ce retour de lecture en tout cas !

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    • Eleyna dit :

      Comme toujours, je crois qu’il n’y a pas meilleur conseil que de se faire une idée par soi-même. Parce qu’on se rend compte finalement que la « difficulté » du titre n’est pas la même pour tous (il ne me semble pas avoir vu grand monde parler des dialogues durant la première centaine de pages… des fois je me dis que je devais avoir le cerveau déconnecté ^^). En tout cas, je te souhaite une bonne future lecture. 🙂

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  4. Boudicca dit :

    Merci pour cette chronique très détaillée, je partage totalement ton ressenti : je n’ai ni aimé ni détesté. Il y a pas mal de choses qui m’ont agacé, mais j’ai quand même envie de revenir à l’univers (je vais lire le tome 2 d’ici peu, il paraît qu’il est d’un bien meilleur niveau que le 1) 🙂

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  5. Antios dit :

    Très belle chronique ! Ton énumération de personnages me perd déjà ah ah ! Mais ça donne franchement envie de lire (euh… d’essayer déjà) le premier tome tant il à l’air riche d’un point de vue univers et personnages. Merci 😉

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